mercredi 19 janvier 2011

Entretien avec Bénédicte Taffin l'auteur des Yeux d'Opale




Comme vous le savez sans doute j'ai adoré Les yeux d'Opale de Bénédicte Taffin et comme j'avais beaucoup de questions à lui poser, j'ai eu envie de le faire sous forme d'interview et de partager ce plaisir avec vous!
(les yeux d'Opale, roman jeunesse qui vient d'être sélectionné pour les prix Futuriales 2011!!)



Je la remercie d'avoir accepté de se prêter au jeu du questionnaire. Bonne lecture à vous !




©C.Helie-Gallimard




Bookenstock: Bonjour Bénédicte, merci de te prêter au jeu de l'interview. Les yeux d'Opale est ton premier roman. Comment t'est venue l'idée de mettre face à face ces deux mondes (l'un moderne et l'autre "médieval") si différents?


Bénédicte Taffin:
L'idée ne m'est pas venue d'un coup. En fait, au départ, il n'y avait qu'Opale. Je lisais alors beaucoup de romans de fantasy et je m'agaçais de voir que certaines descriptions faisaient référence à notre univers alors que l'auteur partait du principe qu'il s'agissait d'un monde sans aucun lien avec le nôtre. J'avais envie de décrire Opale en m'appuyant le moins possible sur notre monde pour une immersion totale du lecteur et cela me sembla rapidement irréalisable. Comment faire expliquer par mes Opaliens ce qui était l'évidence pour eux ? Il me fallait un ou des étrangers à Opale. J'ai alors imaginé qu'un deuxième peuple, plus en rapport avec notre société, arriverait sur cette planète et que ses membres poseraient les questions que moi, je me refusais à poser par l'intermédiaire du récit. Qui dit arrivée d'un autre peuple sur une planète, dit vaisseau spatial. Qui dit vaisseau spatial, dit civilisation avancée. Et alors de nombreuses questions se sont posées sur cette autre civilisation et plus j'y répondais, plus Onyx grandissait, au point qu'il occupe à présent la moitié du roman. J'ai pu alors réaliser ce que je voulais initialement, décrire Opale au travers des yeux de non Opaliens. Mais j'ai eu la surprise de constater qu'il y avait un effet miroir : Onyx décrite au travers des yeux de non Onyxiens.

B: Ce roman est d'une richesse incroyable. C'est sans doute ce qui m'a le plus frappée pendant sa lecture! Une telle profusion d'éléments, une imagination au-delà de ce qu'on lit habituellement. Comment expliques-tu ça?



BT: Je n'ai pas réellement d'explication. C'est venu tout naturellement. J'avoue être une fanatique des petits détails. J'avais à cœur de créer un monde cohérent et en même temps de dépayser complètement mes lecteurs, de leur décrire des schémas de pensées, des valeurs différentes des nôtres. Nous sommes tellement habitués à notre système décimal, métrique ou à notre calendrier, par exemple, qu'on oublie qu'ils sont les fruits de notre histoire et non pas une vérité absolue. De là est venue l'idée de créer la base octale des Opaliens et d'inventer des plantes et créatures spécifiques à Opale.


B: Justement en relation avec la question précédente: compte tenu de la profusion de détails, est-ce que tout était prévu à l'avance (genre le mur de ton bureau couvert de post-it avec tous les éléments du livre) ou t'es tu laissée une part de liberté lors de l'écriture?
 

BT: Oh non, rien n'était prévu à l'avance. Je suis plutôt du genre "bordélique". J'ai mis plusieurs mois avant de me rendre compte qu'il me fallait absolument un plan pour écrire ce roman et je suis restée souvent de longues heures devant une feuille blanche à me poser des questions sur le scénario et la créature ou plante que je voulais insérer dans mon histoire. Je pense notamment aux crapchots. Savoir combien de kilomètres ils parcouraient en une journée était crucial pour moi car de leur vitesse dépendait le temps que mettrait un message pour arriver à destination et donc la chronologie des événements. Aujourd'hui encore, les données sur Opale et Onyx sont disséminées dans des fichiers dont les noms n'ont strictement aucun rapport avec le contenu et que je dois fouiller quand j'ai besoin d'un détail. J'envie les gens qui savent faire des fiches pour leurs personnages ou leur monde. J'en suis incapable. C'est comme si noter bridait mon imaginaire.


B: D'après ce que j'ai compris, tu n'avais pas forcément prévu une suite. Qu'est ce qui t'a fait changer d'avis? (Note de Phooka: Benédicte Taffin a annoncé sur son blog et sur facebook qu'elle s'était lancée dans la rédaction du tome 2 des Yeux d'Opale)

BT: J'ai écrit "Les yeux d'Opale" comme un roman unique. Quand je l'ai eu terminé, il restait de nombreux points en suspens et la fin était très ouverte mais c'était un choix de ma part. Dans la vie, on a rarement réponse à toutes ses questions et on ne sait pas de quoi sera fait le lendemain. Je voulais écrire un roman dont le lecteur pourrait s'approprier le monde et les personnages pour s'inventer ses propres histoires. Mais mes lecteurs ne l'ont pas entendu de cette oreille et ont réclamé une suite. J'aime beaucoup Opale. C'est un peu chez moi. J'avais une grande envie d'y retourner et un jour, de façon inattendue, j'ai eu en tête l'image d'une nouvelle scène. Le scénario s'est lentement construit autour de cette scène et la reprise de l'écriture est alors devenue une évidence. Et du coup, il y aura un tome 3.


B: C'est un premier roman, qu'est ce qui t'a incité à écrire? Etait-ce une envie de toujours?
 

BT: J'écris depuis que je suis enfant, depuis que j'ai eu entre les mains les livres des autres. J'ai toujours voulu raconter mes propres histoires. J'ai commencé par des nouvelles que j'écrivais sur un coup de tête et qui reprenaient les idées d'autres mais à ma sauce, des trucs illisibles. A l'époque, je n'aurais jamais eu l'idée d'en faire mon métier. Maintenant, l'idée de faire autre chose qu'écrire me semble absurde.


B: Quelles sont tes sources d'inspiration? 

BT: Tout est source d'inspiration. Les livres, les films, la famille, les amis, les gens qu'on rencontre, ceux qu'on ne rencontre pas, les nouvelles, tout, absolument tout, et surtout, surtout, les lunsdums.


B: As-tu des livres/auteurs cultes?

BT: J'ai deux livres cultes et de ce fait auteurs cultes : "Dune" de Franck Herbert et "Le désert des tartares" de Dino Buzzati. J'aurais aimé écrire ces livres. J'aimerais être capable d'écrire de telles oeuvres. Ce sont des romans qu'on ne lâche jamais réellement. Il y a toujours un instant où on y repense. Dans un autre style, j'aime beaucoup Edmond Hamilton (à ne pas confondre avec l'autre). Il a écrit notamment "Les loups des étoiles". C'est machiste, pas forcément bien formulé, souvent surréaliste, mais j'adore. Et puis, c'est le papa de Captain Future qui a donné le dessin animé "Capitaine Flam". Bref, toute mon enfance.


B: Tu es devenue une auteur(e) "à plein temps". Est ce que c'est "comme tu l'imaginais" (écriture/salon/dédicace, relation avec les éditeurs, les autres auteurs etc..) 

BT: Je préfère "auteur". Est-ce que c'est comme je l'imaginais ? Oui et non… En fait, comme tu le disais précédemment, j'ai beaucoup d'imagination et la réalité ne pouvait pas correspondre à ce que j'imaginais. Etre devenue auteur à plein temps est vraiment très agréable pour moi parce que ça signifie ne faire que ce que j'aime. En même temps, c'est légèrement pénible parce qu'on s'enferme chez soi durant de longues heures devant un écran ou une feuille blanche et ce n'est pas tous les jours aisé d'aligner les mots. Mais bon, je ne vais pas me plaindre. Les réseaux sociaux sont un bon moyen de retrouver le monde réel et j'ai été agréablement surprise de découvrir que le microcosme d'auteurs de genre était très accueillant. Il y a aussi les rencontres avec les lecteurs et futurs lecteurs et ça, c'est un plaisir immense que de pouvoir échanger sur les personnages et le monde qu'on a créé avec d'autres. C'est très certainement la partie la plus plaisante dans la vie d'un auteur.


B: Qu'est ce qui t'a le plus surprise/étonnée depuis que tu as publié ton roman? 


BT: Les retours m'ont beaucoup étonnée. D'abord parce que j'espérais, mais ne m'attendais pas à ce que des gens prennent la peine de venir me dire ce qu'ils pensaient de mon roman sur mon blog ou sur FB. Moi, je ne le fais jamais… Et ensuite, parce que les avis sur Opale sont diamétralement opposés. Il y a ceux qui adorent dès les premières lignes et ceux qui ne parviennent même pas à atteindre la fin du roman. C'est troublant. Je m'attendais à des retours plus mitigés dans un sens ou l'autre.


B: Les yeux d'Opale est de la Science-Fantasy (merci de m'avoir appris ce terme). Envisages-tu un jour d'écrire dans un domaine complètement différent?
 

BT: Oui, oui. D'ailleurs, je suis en train de travailler sur un roman qui est de la pure fantasy et je ne m'interdis rien. Le principal, pour moi, est de raconter une histoire. Le monde est seulement un décor qui sert l'histoire. Mais il est vrai que j'apprécie beaucoup ce mélange de genre, ces univers qui hésitent entre ces deux pôles, et le scénario sur lequel je planche en ce moment pour un roman futur se déroulera également dans un monde de science fantasy, un monde technologique en pleine régression.


B: Quels sont tes projets en dehors du tome 2 des Yeux d'Opale? 

BT: Je travaille sur un roman de fantasy qui a pour héros un certain Sidoine. Il est chargé de ramener une prophétesse dénommée Jeanne qui entend des voix auprès du Dauphin pour l'aider à bouter les Azuléens hors de Falatie. Si cela vous dit quelque chose, c'est normal. C'est bien l'histoire de Jeanne d'Arc. Sauf que dans mon récit, Jeanne est tuée lors du prologue par des démons et que Sidoine la remplace par la prostituée avec laquelle il a passée la nuit précédente.
Il y a aussi Eleonora mais je n'en suis encore qu'au scénario. C'est donc trop tôt pour en parler.
Et puis d'autres idées viennent parfois m'assaillir…


B: Pas de question: juste un espace libre pour exprimer ce que tu veux à tes lecteurs ou futurs lecteurs! ;)
 

BT: D'abord, je voudrais te remercier pour cet entretien, Phooka. Quant à mes lecteurs ou futurs lecteurs, j'espère qu'ils prendront plaisir à se plonger dans mon univers et qu'ils n'hésitent pas à me livrer leurs impressions, bonnes ou mauvaises. Un auteur ne se nourrit pas uniquement de pain et d'eau fraîche. Il a aussi et surtout besoin du retour de ses lecteurs.





3 commentaires:

Didi a dit…

Belle interview merci :-)
Excusez ma curiosité mais pourquoi le tutoiement, vous vous connaissez ?
Bisous !

Benedict Taffin a dit…

A force de discuter, notamment pour l'entretien, oui, on commence à se connaître et je pense qu'Emma ne me contredira pas si je dis que des liens d'amitiés se sont forgés. :) C'est ça d'aller à la rencontre des auteurs. C'est dangereux. ^^

Didi a dit…

Merci Bénédicte pour votre réponse !
Ma foi rencontrer des auteurs et lier des liens d'amitiés c'est pas si dangereux que ça ;-)