mercredi 14 novembre 2018

Quatrième interview de Stefan Platteau












Fantasy à la carte :

Bonsoir, As-tu déjà lu un roman de fantasy que tu as détesté? Si oui lequel et pourquoi?

Stefan :

Hello,


En général, si je déteste un bouquin, je l'arrête en cours. Je ne me l'inflige pas in extenso. De façon générale, si le livre est une collection de clichés, ça ne passe pas. J'ai par exemple arrêté L'épée de vérité assez tôt... ouais... ce serait un très bon exemple de mauvais bouquin, ça, L'épée de vérité...



Riz-Deux-ZzZ :


Bonjour, je reviens ici avec un peu plus de 200 pages de Manesh au compteur et les 3 interviews précédentes en tête... 
Effectivement, je retrouve une influence nordique que j'apprécie mais j'avoue avoir un peu plus de mal à discerner le coté hindou (culture que je ne connais pas du tout soit dit en passant donc ceci explique peut-être cela !). 
La horde de cochons m'a perturbé au départ (je suis traumatisée du Silence des Agneaux) mais je trouve l'idée tellement originale et traitée de façon tellement sérieuse que j'adhère complètement ! Et ne parlons pas du mystère enfin résolu des toilettes sur un bateau... :D

Stefan :

Les inspirations Hindoues ne sont pas toutes évidentes, pour qui n'est pas connaisseur...



Elles sont aussi moins visibles dans les 200 premières pages tu premier tome, pour une raison toute pratique : le récit du Barde se déroule dans le grand Nord, loin du royaume de l'Héritage ; quant au récit de Manesh, il reste à ce stade dans les abords de la seigneurie de Marmach et dans la forêt voisine, loin des grandes agglomérations. Le tome 3 nous mènera de plein pied dans les villes de l'Héritage, où l'influence hindoue est parfois plus flagrante. En attendant, vous la ressentirez par petites touches : dans les narvin que les gens se peignent sur le front, les bains religieux dans le fleuve sacré, les ascètes sadours, qui obtiennent des faveurs du ciel par leurs dévotions, la caste religieuse des bramynn, la crémation des morts et la dispersion des cendres dans les eaux sacrées, les éléphants et puis les singes du sud... on la retrouve aussi dans la mythologie (l'armement des géants Lunaires, par ex, grands utilisateurs de Chakras et d'Urumis, qui sont de pures armes védiques ; ou dans l'apparence et les atttributions de divinités telles que Nyagacha, ou encore dans la mention des astras, armes divines obtenues par dévotion, qui sont un emprunt direct à la mythologie Hindoue). Enfin, les ascendances solaires et lunaires des lignées de héros font écho au Mahabaratha, le grand épique indien.



Dup :

Je vais poser une question qui risque de faire sourire tes aficionados, mais je rappelle pour ma défense que je n'ai à mon actif pour l'instant que Manesh.
Ton cycle est-il terminé avec la sortie de Meijo ?
Si oui, sur quoi bosses-tu aujourd'hui ? 

Stefan :

Je vais commencer par la seconde question : je bosse sur le quatrième (et avant-dernier) tome des Sentiers des Astres.

Quelle était la première question, encore? :p



Fantasy à la carte :

Aimerais-tu voir ton cycle Le Sentier des astres adapté au cinéma ou en série?

Stefan :


Haha ! Alors, évidemment, rêvons... une adaptation, oui, à condition qu'on ne me colle pas Vincent Cassel dans le rôle de Manesh. ça le ferait pas du tout. Trouvez-nous plutôt un acteur, je ne sais pas, iranien, ça lui ressemblera beaucoup plus : nez busqué, carnation cuivrée, cheveux noirs bouclés... si vous avez d'autres idées pour le casting, ça pourrait m'amuser assez de les entendre !



Cédric Jeanneret :

Une petite question sur la version audio :

Manesh est prononcé de deux manières, "Mané" par ses proches et "Maneche" pour les autres, est-ce de ton choix ? Et si oui pourquoi ce choix ?

Une autre question de worlbuilding : qu'elles sont les inspirations / caractéristiques des colonies de l'Héritage et de ce qui semble être une théocratie (si je comprend bien ce que j'ai pu glané dans les romans)

Stefan :

Hello Cédric, Mané est simplement le diminutif de Manesh. Pas de mystère !



Ta question sur les Royaumes de Chimère (le Crépuscule) appelle une loooongue loongue réponse. Comme je suis à la veille d'un week-end "off", je t'en donne déjà la première partie, et poursuivrai lundi (comme ça tu as tout de même quelque chose à te mettre sous la dent).



Or donc, le vaste ensemble géographique qu'on désigne généralement sous le nom de "Royaumes du Crépuscule" est une mosaïque de cités-états, petits royaumes, tribus nomades, habités par des peuples hétéroclites, inspirés des Pachtounes ou d'autres peuples d'Asie mineure ou centrale. Ces royaumes se sont trouvés unifiés une première fois sous la coupe de l'Empire Vintalu (la Cité de Varius) à la toute fin de l'ère antique. Autrement dit, sous l'autorité du Théocrate Sargon Antelu, représentant sur terre des dieux du Vintou. On connait la suite : l'Empire Vintalou s'est écroulé suite à la défaite des Dieux à la Gigantomachie, mais le soudain déclin des géants a ouvert une longue période de chaos. L'île de Firos (au sud-ouest de l'Héritage) est la première à émerger de cette période sombre avec une civilisation brillante, l'empire Firanthin, qui nous a laissé l'écriture courante encore utilisée dans l'Héritage, ainsi que la langue commune des marins. Dans son expansion vers l'ouest, cet empire a fini par se heurter à une autre puissance : l'Empire néo-Vintalou du Thécrate Janghilu, premier à tenter la réunification du territoire jadis possédé par les Dieux du Vintou. Nombre de Royaumes de Chimère sont tombés sous sa coup, mais son règne n'a pas duré très longtemps, et son empire s'est effondré avant celui de Firos.



(la suite lundi)

Hubert

Je n'ai pas de réelle question pour Stefan Platteau, juste dire que je suis tombé sur Manesh au milieu d'un week-end loin de chez moi où la pluie m'a fait me réfugier dans une librairie qui avait mis un présentoire qui devait s'intituler à peu de choses près "le meilleur auteur de fantasy francophone". J'ai le défaut de suivre aveuglément les conseils des libraires, je suis complètement tombé dans le sentier des astres et votre travail sur les ambiances et le rythme.
Du coup juste un grand merci, je m'emploie en ce moment à embarquer le plus de gens possibles dans cette histoire. 


Stefan :

Eh bien ! Comme quoi, la pluie a du bon ! Quelle était la librairie, que je m’indigne de ce dur coup posté à ma modestie ?


Je suis plongée dans Manesh. Effectivement, la Harde noire fait carrément froid dans le dos. J'étais loin d'imaginer qu'on avait fait des procès à de "pauvres" cochons...
Ma question, par contre, n'a rien à voir : comment choisis-tu les prénoms, noms et noms de lieux ? Pour les sonorités ? Pour leur signification ?
Merci ! :D 


Stefan :

Pour leurs sonorités, surtout… il y a quelque chose de magique à nommer un personnage. Les sons produits, les mots qu’ils évoquent, leur caractère âpre, dur, ou au contraire doux ou chantant, font immédiatement émerger des esquisses de personnalités… qu’il peut être intéressant, d’ailleurs, de prendre à contre-pied, pour éviter la facilité. Nommer une ville, un personnage, une région ou une mer, c’est d’emblée faire apparaître une forme floue qui va se préciser peu à peu, mais dégage déjà une vague couleur, des contours sans netteté. C’est aussi affirmer son existence, quelque part dans le secret d’un lointain monde secondaire (nomme-t-on des choses qui n’existent pas ?) ; c’est enfin affirmer son plein pouvoir dessus !

Soit dit en passant, c’est d’ailleurs exactement ce que font les mages dans l’univers des Sentiers des Astres, lorsqu’ils nomment des esprits : ils s’emparent de vagues forces éphémères, sans contours ni définition, qui dérivent autour d’eux, pour leur donner une forme, des attributs et une permanence ; et par la même occasion, ils les soumettent à leur volonté.

Pour créer les noms des habitants de l’Héritage, je m’inspire de listes de prénoms celtiques et hindous, dont j’essaie de croiser les racines et les sonorités, pour obtenir ce caractère celto-védique propre à mon univers. Les Firwane sont davantage inspirés de noms et prénoms finnois, les habitants du Freyanth de noms scandinaves, etc.




Bonsoir Stefan, mon dieu Vincent Cassel dans le rôle de Manesh, quelle horreur! Il faudrait un vrai droit de regard sur le casting, non mais! Qu'il est bon de rêver. D'ailleurs, entre toutes tes activités, tu as quand même le temps de dormir? 



Stefan :

Il m’arrive vaguement de dormir entre deux envolées rédactionnelles, mais alors je suis réveillé par une image terriblement nette du visage de Vincent Cassel flottant au plafond. Il me fixe dans les yeux et prononce distinctement : « L’ombre de la souris dans la seconde lune, comment la nommez-vous ? » Avec effroi, je m’entends répondre : « Nous la nommons Mickey Mouse. » Alors Cassel pince les lèvres avec son petit air dur et digne à la fois, et très cérémonieusement, m’assène : « Puis-je porter le nom de Manesh Mickey Mouse » ? En général, je me réveille en hurlant.






Bonsoir Stefan, J'aimerai savoir dans quelle ambiance tu te plonges pour écrire ? As tu des habitudes particulières ? peux tu écrire partout, n'importe quand ? Des manies, des rituels ? Merci d'avance ;) 


Stefan :

Puisque vous en parlez : j’ai de très nombreuses manies, toutes plus horrifiques les unes que les autres. Notamment, je ressens toujours d’horribles fourmillements dans le nez lorsque je parle en public, ce qui me force à me le grattouiller machinalement (en public, donc). Il parait que si vous avez le nez qui gratte, c’est que quelqu’un pense à vous ; du moins, c’est ce qu’on dit en Belgique. Il va de soi que lorsque je parle en public, nombre de gens, hormis les inattentifs, pensent forcément à moi. Comprenez-vous l’intensité de ma torture ? Ah, comme je redoute de devoir un jour passer à la télé, devant plusieurs dizaines de milliers de téléspectateurs concentrés ; assurément, je finirais le pif en sang !


Mais pour s’en tenir à mes petites manies d’écriture (ou à mes rituels, comme on veut) : Je peux écrire dans des tas de lieux et circonstances, y compris des lieux que la décence m’empêche d’évoquer, mais ma préférence va au train, dont je fais grand usage pour me rendre au vrai-boulot-où-l’on-s’ennuie (note : en vrai, je ne m’y ennuie pas du tout, à ce boulot, et même, je l’aime bien, et je salue mes chers collègues au passage). Le train a quelque chose de magique pour écrire : déjà, c’est un voyage, le paysage défile, il y a ce mouvement qui vous porte, ce bercement délicat… je ne vais pas le nommer pour ne pas empiéter sur ses petits secrets, mais je connais un collègue qui est belge et publie chez Actu SF et qui, en plus de ces deux tares (coucou Jérôme, c’est pour rire !), travaille à la SNCB, et abuse de son droit de voyager gratos pour se taper des journées entières dans le train à écrire, en se rendant d’une ville à l’autre sans raison valable. C’est dire comme ça marche bien ! Moi, j’aime bien aussi le train. Mais bien sûr, ça ne fonctionnerait pas sans une autre composante, absolument essentielle : la musique ! Avec le casque sur les oreilles et une BO adéquate, je peux écrire n’importe où. Le casque m’isole des conversations et autres bruits du monde moderne ; la musique me plonge dans mon propre univers. Pour écrire de la fantasy, le leitmotiv de mes choix mélomanes est : étrangeté et dépaysement. Donc : de la Dark ambiant, du soundmapping, des OST de jeux vidéo, du Dead can Dance, des musiques de film, mais en évitant tout ce qui est trop tapageur et pourrait m’empêcher d’entendre avant tout la musique des mots. Et en général, quand je commence une scène, je l’écris entièrement sur le même album. C’est plus facile pour se replonger dedans.


Dites, maintenant que vous avez fini de lire ma réponse : vous ne voudriez pas cesser de penser à moi un moment ? Je voudrais bien récupérer mes doigts pour d’autres usages que de torturer mon tarin.
 

14 commentaires:

Riz-Deux-ZzZ a dit…

Bonjour, je reviens ici avec un peu plus de 200 pages de Manesh au compteur et les 3 interviews précédentes en tête...
Effectivement, je retrouve une influence nordique que j'apprécie mais j'avoue avoir un peu plus de mal à discerner le coté hindou (culture que je ne connais pas du tout soit dit en passant donc ceci explique peut-être cela !).
La horde de cochons m'a perturbé au départ (je suis traumatisée du Silence des Agneaux) mais je trouve l'idée tellement originale et traitée de façon tellement sérieuse que j'adhère complètement ! Et ne parlons pas du mystère enfin résolu des toilettes sur un bateau... :D

Dup a dit…

Je vais poser une question qui risque de faire sourire tes aficionados, mais je rappelle pour ma défense que je n'ai à mon actif pour l'instant que Manesh.
Ton cycle est-il terminé avec la sortie de Meijo ?
Si oui, sur quoi bosses-tu aujourd'hui ?

Cédric Jeanneret a dit…

Une petite question sur la version audio :

Manesh est prononcé de deux manières, "Mané" par ses proches et "Maneche" pour les autres, est-ce de ton choix ? Et si oui pourquoi ce choix ?

Une autre question de worlbuilding : qu'elles sont les inspirations / caractéristiques des colonies de l'Héritage et de ce qui semble être une théocratie (si je comprend bien ce que j'ai pu glané dans les romans)

Hubert a dit…

Je n'ai pas de réelle question pour Stefan Platteau, juste dire que je suis tombé sur Manesh au milieu d'un week-end loin de chez moi où la pluie m'a fait me réfugier dans une librairie qui avait mis un présentoire qui devait s'intituler à peu de choses près "le meilleur auteur de fantasy francophone". J'ai le défaut de suivre aveuglément les conseils des libraires, je suis complètement tombé dans le sentier des astres et votre travail sur les ambiances et le rythme.
Du coup juste un grand merci, je m'emploie en ce moment à embarquer le plus de gens possibles dans cette histoire.

Lady K a dit…

Je suis plongée dans Manesh. Effectivement, la Harde noire fait carrément froid dans le dos. J'étais loin d'imaginer qu'on avait fait des procès à de "pauvres" cochons...
Ma question, par contre, n'a rien à voir : comment choisis-tu les prénoms, noms et noms de lieux ? Pour les sonorités ? Pour leur signification ?
Merci ! :D

Fantasy à la carte a dit…

Bonsoir Stefan, mon dieu Vincent Cassel dans le rôle de Manesh, quelle horreur! Il faudrait un vrai droit de regard sur le casting, non mais! Qu'il est bon de rêver. D'ailleurs, entre toutes tes activités, tu as quand même le temps de dormir?

Les lectures de Licorne a dit…

Bonsoir Stefan, J'aimerai savoir dans quelle ambiance tu te plonges pour écrire ? As tu des habitudes particulières ? peux tu écrire partout, n'importe quand ? Des manies, des rituels ? Merci d'avance ;)

Riz-Deux-ZzZ a dit…

Effectivement, en avançant dans ma lecture, je comprends mieux le côté hindou.

Il ne me semble pas que cela ait été déjà abordé dans les précédentes interviews (auquel cas je m'en excuse) : le fait de poser une moitié d'intrigue sur les eaux est-il un choix stratégique pour que le voyage avance plus vite ou simplement l'envie de naviguer ? C'est une passion ou y a-t-il eu un travail de recherche car certains passages de navigation pure sont vraiment très pointus ?

Fantasy à la carte a dit…

Aimerais-tu écrire autre chose? T'essayer à un autre genre?

Phooka a dit…

Bonjour Stefan,

Quand tu écris, est ce que tu prévois absolument tout à l'avance ou te laisses tu surprendre parfois par tes personnages?

Fantasy à la carte a dit…

Autre question, comment as-tu choisi les noms de tes héros?

Ramettes a dit…

Bonsoir
Je ne sais pas formuler ma question (c'est ma spécialité ! ) . Je trouve savoureux que ce soit le barde qui écoute l'histoire de Manesh. Est-ce parce qu'il est le seul à savoir reconnaître une belle narration ou une autre raison. Bon d'accord le barde en pleine forêt n'a pas trop sa place. Mais sans la présence du blessé aurait il dû rester sur le bateau? J'aime la poésie qui se dégage lorsqu'il s'agit de Manesh.

Ramettes a dit…

Bonsoir
J'ai noté qu'il y avait un langage fait de gestes. Ça à lair beaucoup utilisé pour les éléments (soleil etc) et le côté "religieux". Est-ce que c'est plus développé dans les autres tomes ? Est-ce comme une langue universelle pour que tous les peuples puissent se comprendre ? Est ce que c'est comme les peaux rouges?

Cédric Jeanneret a dit…

Lundi est venu et passé (enfin lundi dernier), dite Monsieur Platteau on essayerait pas de me flouer de la fin de ma réponse ? (bon en même temps je comprend je fais des questions ch54654&tes) ;)