lundi 14 janvier 2019

L'EMPREINTE de Alexandria Marzano-Lesnevich




Éditions Sonatine
470 pages
22 euros

Ce roman vient de remporter le Prix du Livre étranger 2019
remis par France Inter et Le Journal du Dimanche.




4ème de couv :

Étudiante en droit à Harvard, Alexandria Marzano-Lesnevich est une farouche opposante à la peine de mort. Jusqu’au jour où son chemin croise celui d’un tueur emprisonné en Louisiane, Rick Langley, dont la confession l’épouvante et ébranle toutes ses convictions. Pour elle, cela ne fait aucun doute : cet homme doit être exécuté. Bouleversée par cette réaction viscérale, Alexandria ne va pas tarder à prendre conscience de son origine en découvrant un lien tout à fait inattendu entre son passé, un secret de famille et cette terrible affaire qui réveille en elle des sentiments enfouis. Elle n’aura alors cesse d’enquêter inlassablement sur les raisons profondes qui ont conduit Langley à commettre ce crime épouvantable. Dans la lignée de séries documentaires comme Making a Murderer, ce récit au croisement du thriller, de l’autobiographie et du journalisme d’investigation, montre clairement combien la loi est quelque chose d’éminemment subjectif, la vérité étant toujours plus complexe et dérangeante que ce que l’on imagine. Aussi troublant que déchirant.





Les Éditions Sonatine l'avaient clairement annoncé, ils changeaient de ligne éditoriale. Enfin plus exactement ils l'élargissaient. Ce ne sera plus que des thrillers purs et durs. L’empreinte est l’exemple type de ce changement ! Je suis d’ailleurs bien incapable d'étiqueter ce roman dont je vais essayer de vous parler.

C’est un roman surprenant, captivant car une fois commencé on ne peut plus le lâcher. Pourtant il n’est en aucun cas bourré de suspense, non. Ce n’est pas un page turner et pourtant on les tourne toutes inexorablement ces pages. Peut-être parce que c’est une histoire vraie. L’autrice se met en scène, ne change ni son nom ni son prénom, elle nous expose sa vie, son enfance, son parcours. Son récit de vie est emmêlé avec celui d’un autre homme Rick Langley, un meurtrier pédophile. Et petit à petit on comprend l’impact qu’à eu ce dernier sur la vie d’Alexandria, alors que leurs chemins ne se croisent qu’une seule fois. Parce que c’est elle également qui nous raconte la vie, l’enfance et le parcours de Rick. Elle s'est appuyée sur les tonnes de dossiers médicaux, sociaux, judiciaires et rapports de police le concernant. Elle a enquêté, questionné les proches, les voisins, pratiquement toutes les personnes ayant vécu de près ou de loin avec Rick Langley. Et dans son récit, elle nous prévient lorsqu’elle a été obligée d’inventer un peu, pour les besoins de la narration. Oh pas grand-chose. Par exemple la couleur de la robe de la mère de Rick, qu’elle empreinte dans ses souvenirs des robes de sa grand-mère.

Alexandria aurait pu avoir une enfance de rêve, avec deux parents avocats, une fratrie aimante. Elle aurait pu oui, si elle et sa petite soeur n’avait pas été victime de pédophilie violente dès cinq ans par leur grand-père maternel. A chaque sortie des parents, les grands-parents étaient baby-sitters... Et pour enfoncer le clou, une famille qui décide de taire le délit une fois la chose enfin avouée par les enfants quelques années plus tard. Je dis violente, mais cela nous est conté avec beaucoup de pudeur. On ne le comprend que bien après, au détour d'un examen gynécologique alors qu'Alexandria à 30 ans !

Là-dessus vous rajoutez à son histoire une conviction profonde de suivre le chemin de ses parents, le droit, pour lutter contre la peine de mort. Premier stage qu’elle fait, premier dossier, celui de Rick Langley et c’est le cataclysme. Le résultat : ce roman.

Sujet bien difficile, ô combien casse-gueule, maîtrisé ici avec brio. On déglutit plus d’une fois, je vous le promets, et pourtant jamais elle ne dérape. Ces deux récits sont imbriqués à la perfection, chaque chapitre contient un élément, une phrase qui pousse à vouloir en savoir plus, c’est parfaitement maîtrisé. Le ton employé est froid évidemment, mais c’est comme si l’auteur ne voulait pas de l’empathie du lecteur. Que le lecteur reste la tête froide pour juger, analyser les faits, les conséquences. Et je dois dire que c’est mission accomplie. Je suis bluffée et admirative, même si j’hésite à le conseiller vu le sujet. Une chose est sûre, je ne regrette absolument pas ma lecture ! Ce livre m’a touché profondément et c’est mon premier coup de cœur de l’année 2019.


5 commentaires:

Les mots de Mahault a dit…

Très envie de le lire celui-là. C'est audacieux ce changement de la part des éditions Sonatine. Enfin, ayant fait des études de droit, le sujet m'intéresse particulièrement - même si l'histoire se déroule aux États-Unis - parce qu'on me prend souvent à parti lorsqu'il s'agit de discuter de peine de mort. Bref, merci pour la chronique ;-)

Mariejuliet a dit…

Ouhhh.... en effet sujet casse gueule.
Je le note.

Dup a dit…

Il prend bien aux tripes malgré la pudeur, voire la froideur, qu'elle met dans son récit.

Riz-Deux-ZzZ a dit…

Je viens de le terminer et vais écrire mon article... et bizarrement, je ne trouve pas le style "froid", celui auquel je m'attendais lorsqu'on m'a présenté ce roman écrit par une journaliste. Je trouve justement qu'elle réussit à mettre beaucoup d'émotions dans ce récit.

Dup a dit…

Oui, il a beaucoup d'émotions, mais pas de chaleur je trouve. Même quand elle parle de son parcours amoureux, c'est froid je trouve, sans âme. Comme si elle voulait montrer que son âme est enfouie !