jeudi 13 décembre 2018

UNDERGROUND AIRLINES de Ben H. Winters





Éditions Actusf
426 pages
19,90 euros



4ème de couv :

Amérique. De nos jours. Ou presque.

Ils sont quatre. Quatre États du Sud des États-Unis à ne pas avoir aboli l'esclavage et à vivre sur l'exploitation abjecte de la détresse humaine. Mais au Nord, l'Underground Airlines permet aux esclaves évadés de rejoindre le Canada. Du moins s'ils parviennent à échapper aux chasseurs d'âmes, comme Victor. Ancien esclave contraint de travailler pour les U.S. Marshals, il va de ville en ville, pour traquer ses frères et soeurs en fuite. Le cas de Jackdaw n'était qu'une affaire de plus... mais elle va mettre au jour un terrible secret que le gouvernement tente à tout prix de protéger.

Un roman d'une brûlante actualité qui explore sous le faisceau de l'uchronie une Amérique bien trop familière...





De cet auteur, j’ai déjà à mon actif sa trilogie Dernier meurtre avant la fin du monde. Je me souviens que Lune l'avait qualifié de polar apocalyptique et c’était tout à fait ça (moi et les étiquettes...). J’avais vraiment apprécié cette lecture. Avec Underground Airlines, Ben H. Winters change la donne et se lance dans une uchronie d'envergure : la Guerre de Sécession n’a jamais eu lieu, Lincoln a été abattu avant la ratification du XIIIe amendement. L’esclavage perdure donc dans quatre États du sud des États-Unis : les Hard Fours.

Nous suivons Victor, qui est Noir et vit dans le Nord. Son boulot consiste à traquer les esclaves qui réussissent à s’évader afin de les renvoyer à leur propriétaire. Pas besoin de mettre des guillemets, c’est réellement ça. Sauf que l’on comprend très vite qu’il n’a pas le choix Victor. Il en faisait partie, il a été chopé, marqué, pucé et travaille pour le gouvernement… en laisse comme il dit. Soit il fait ce job, soit il retourne à la chaîne dans les abattoirs Bell d’où il vient.

L’auteur adopte la première personne du singulier et nous place ainsi dans la tête de Victor. On partage toutes ses réflexions les plus intimes, tous ses états d'âme et l’empathie est totale pour ce personnage torturé. C’est véritablement poignant.

Mais on n'a pas vraiment le temps de pleurer sur son sort. Lui non plus d’ailleurs, sauf lors de ses longues insomnies. Parce que ce roman est construit comme un véritable thriller et les pages s'enchaînent à une vitesse frénétique. Ce roman de 426 pages, je l’ai avalé en deux soirées, la plupart du temps avec la gorge serrée. C’est dur, c’est brut de décoffrage, c’est parfaitement adapté au sujet.

Victor est sur un nouveau dossier, le cas Jackdaw, le 212e… Il fait comme si, mais il se souvient de tous. C’est un très bon enquêteur, doublé d’un excellent acteur, capable de changer de personnalité comme de look en un tour de main. Et dans ce dossier Jackdaw, rien ne va. Il va devoir infiltrer l'Underground Airlines, cette filière qui se charge d’exfiltrer des esclaves fugitifs vers le Canada. Et pire, il va devoir retourner dans ce Sud honnis. Les retournements de situation sont légion et on tremble plus d'une fois pour lui. Il sera aidé par Martha, une jeune mère célibataire qu’il a rencontré dans le dernier hôtel où il était basé. Elle a un gamin, un métis… le père était un fugitif, il a été repris. Pas par Victor non, mais c’est tout comme pour la conscience de ce dernier.

Alors bien sûr c’est une uchronie, mais on ne peut pas s’empêcher de faire le rapprochement avec ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis, ou la majorité de la population noire reste en marge de la société. Où leurs droits sont plus souvent bafoués qu’à leurs tours. Où le président Trump ferme les yeux sur les agissements du Klu Klux Klan comme dernièrement...

Underground Airlines est un roman puissant, chargé en émotions et doublé d’un thriller d’une rare efficacité. Entièrement porté par un antihéros charismatique qui cherche à se montrer à nous sous son plus mauvais jour pour supporter sa honte, pour encaisser la peur qui le ronge h24. Ce roman m’a toute retournée et j’ai eu bien du mal à passer à autre chose une fois refermé. Je ne peux que vous conseiller, moi j’en fais un gros coup de cœur. Prévoir juste une phase de digestion post-prandiale délicate !

Un mot également sur la couverture de Diego Tripodi que je trouve superbe. Dommage d'ailleurs qu'on ne voit pas le dos qui est tout aussi parlant. Donc je vous mets la 4ème de couv !




Ben H. Winters sur Bookenstock :




3 commentaires:

Le Maki a dit…

Je suis beaucoup moins enthousiaste que toi, c'est un thriller correct mais je ne suis pas emballé par l'uchronie...

Dup a dit…

Oui, j'ai vu, enfin lu ça !
Comme quoi, il en faut pour tous les goûts hein !

Lune a dit…

J'ai beaucoup apprécié cette uchronie qui parle tellement bien de notre réalité !