mardi 25 novembre 2014

Interview Le mois de Simon Sanahujas Tome 3




Troisième page de l'interview, la première étant ICI, la seconde LA


crédit photographique : Brice Maire




« Mais qu’est-ce qu’il lui prend ? » lâche enfin l’homme au crâne rasé, vêtu de noir depuis ses rangers jusqu’à sa veste de treillis sans manches.
Dans ses mains épaisses, le nunchaku de bois sombre virevolte, comme agacé, comme doué d’une vie propre. À son côté, le grand gaillard aux cheveux hirsutes et au visage mangé de barbe et de balafres grogne :
« Aucune idée, Suleyman, ça fait plusieurs jours déjà qu’il est comme ça… »
Comme mal à l’aise, le plus grand réajuste nerveusement les sangles de la longue épée qui lui barre le dos. Le métal crisse sur les clous de sa broigne usée mais le troisième occupant des lieux ne semble se rendre compte de rien, le regard rivé à l’écran d’un petit ordinateur.
« Mais il n’écrit qu’au stylo Bic ! » reprend le premier. « C’est un crédo pour lui, quasi une religion, il est capable d’argumenter là-dessus durant des heures… »
L’autre soupir, ballade son regard d’un brun mêlé de vert dans la pièce où s’entassent livres et objets étranges, à la manière d’un cabinet de curiosité.
« C’est quoi ces trucs ?
― Des trombones… à coulisse, » répond le premier distraitement. « Il a commencé par des études de musique classique ce con, a chopé un ou deux prix de conservatoire puis a expliqué à son professeur qu’il plaquait tout pour écrire des romans de science-fiction. Paraît que le gars a halluciné… »
― Ah ouais ? » grogne le guerrier avant d’ajouter, pensif : « Me rappelais pas qu’il était chauve à ce point…
― Si ce n’était que ça, Karn ! Moi ce qui m’inquiète le plus, c’est son alcoolisme galopant… Il a sorti la bonbonne de marc de champagne, » lâche-t-il en désignant le bureau du menton.
Une large bouteille trône à proximité de l’ordinateur, emplie de trois ou quatre litres d’un liquide translucide. Sur le verre, un autocollant présente une tête de mort électrisée sous laquelle apparaît une inscription sibylline : World War III.
« C’est mauvais signe… » ajoute-t-il encore.
― Sans parler de ce putain d’ordi !
― Sans parler de ce putain d’ordi… »
Une pétarade tonitruante interrompt les deux hommes qui devinent la monstrueuse Harley Davidson en train de se garer sous les fenêtres. Ils échangent un regard qui en dit long tandis que des pas lourds et des bruissements de ferraille retentissent dans l’appartement. Lorsque le colosse fait irruption dans le bureau, c’est comme si l’air venait subitement à manquer tant sa carcasse prend de la place. Recouvert d’acier des pieds à la tête, le triple canon d’une Gatling à plasma reposant nonchalamment sur une épaule, le géant darde des yeux rougeoyants sur les deux héros tandis que sa voix d’outre-tombe retentit :
« Tout va bien ? Je suis venu dès que j’ai su… Il paraît qu’il va y passer un mois !
― Quoi ? » s’exclament les deux héros à l’unisson.
« Mais il ne peut pas me laisser comme ça, pas après la fin de Rancœur », jure Karn.
« Ouais je sais…
― Comment ça ?
― Ben j’ai lu tous ses bouquins, moi.
― Même le dernier ? » répond Karn en ignorant le reproche sous-jacent.
Suleyman acquiesce, un sourire au coin de la bouche.
« Et même ceux d’après… C’est pratique de connaître les portails qui relient les univers, pour ce genre de chose.
― Eh ! Et je finis comment ?
― Ah ben ça, désolé, mais je n’ai pas le droit de le dire. Il y a des règles…
― Je vois… Et toi ?
― Ah ben moi ça va, tu sais : on a un deal. Je l’ai coursé dans tout le Multivers, j’ai tué une dizaine de ses incarnations et après on s’est mis d’accord : il n’écrit plus sur moi. Depuis je suis tranquille.
― Et tu ne t’ennuies pas ?
― Ça m’arrive, parfois, c’est curieux d’ailleurs, comme sensation…
― Cela me rappelle un poème… » intervient le colosse au casque encadré de cornes d’acier.
« Non, Mercenaire ! » gueulent les deux héros à l’unisson alors que l’autre s’apprête visiblement à déclamer.
« Excusez-moi ? »
Surpris, les trois guerriers se retournent pour découvrir un jeune homme qui hésite sur le pas de la porte, un pinceau à la main. Il est vêtu d’une manière pathétiquement normale et, à côté d’eux, paraît rachitique. Le regard qu’ils lui portent ne masque aucunement leur pensée commune, brusquement résumée par le géant aux yeux pourpres :
« C’est qui ce blaireau ?
― Désolé de vous déranger mais voilà : je me suis fait largué par ma copine un peu brutalement y’a pas longtemps, ensuite il m’a fait lire un bouquin sur la psychologie évolutionniste, ça m’a retourné le crâne et puis, alors que j’allais en parler à mon pote Freddy, plus rien. Comme s’il m’avait brusquement laissé en plan…
― Je vois, » lâche Suleyman.
Karn acquiesce, mauvais, en dévisageant le nouveau venu de la tête au pied :
« Il a… changé, visiblement, notre ami l’écrivain…
― Merdier de merdier ! J’en ai marre d’entendre cette putain de chanson partout où je vais ! » intervient alors une voix féminine, en provenance du salon.
« Suleyman’s dream par-ci, Suleyman’s dream par-là… » jure-t-elle encore avant de débarquer dans le bureau, crinière blonde lâchée au vent et yeux gris pétillants.
« J’avais même pas remarqué, » grogne Mercenaire en changeant distraitement son arme infernale d’épaule.
« C’est un monomaniaque quand il écoute de la musique, et ça ne s’est pas arrangé depuis qu’il se pique d’écrire des textes de chanson… » commente Karn.
« Ça encore, ça va, mais le mois dernier il s’est fait imprimé le corps par une typographe. Paraît que c’était de l’art mais moi je n’ai rien compris, » renchérit Suleyman.
« Tu m’étonnes, au moins quand il partait faire le con au Gabon ou en Roumanie, en essayant de prouver l’existence de Tarzan ou de Dracula, ça allait : on se sentait vaguement concerné, quoi…
― Papa ! » lance soudain une voix aigue tandis qu’une gamine aux boucles blondes traverse la pièce comme une furie, bouscule les héros sur son passage et se jette dans les bras de Suleyman.
― Merde, t’as une môme toi maintenant ? » relève Karn.
« De la part d’un gars qui possède des héritiers dans la moitié des royaumes de son monde, je trouve cette remarque un peu déplacée…
― Il est malade le monsieur ? » demande la petite fille en ouvrant de grands yeux inquiets. « Moi je l’aime bien le monsieur, j’espère qu’il va guérir. Dis, tu crois que je peux aller lui faire un câlin, papa ?
― Non mon lapin bleu : on n’est pas vraiment là, tu sais. Et puis de toute manière, je te l’interdirais : il nous en a fait baver, à ta mère et moi… »
La petite a l’air déçue. La jeune femme qui l’a guidée ici lui lance un sourire affectueux puis jette, à la cantonade :
« Bon allez les gars, rien de vraiment grave : il répond aux questions des lecteurs de Book en Stock. Ca va durer un mois et ensuite il se remettra au taf, enfin j’espère… Maintenant, chacun réintègre son univers et fissa, sinon c’est encore moi que le Conseil va venir emmerder ! 
»

Pour relire le texte de Simon avec une police plus confortable, c'est ICI. On a resserré pour éviter de jouer de trop avec la roulette de la souris ;)

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Toujours dans la lecture de "L'emprise des rêves" que j'aime beaucoup. j'ai surtout remarqué que les personnages sont en mouvement perpétuel et ces histoires de différence de déroulement du temps. C'est un peu ce que beaucoup de monde voudrait, vivre plusieurs vies et parfois jouer avec le temps et modifier certaines choses... Est-ce que vous avez voulu faire passer ce message ou c'est mon interprétation personnelle ? Oui la question n'est pas très claire... Souvent dans le mouvement incessant on a l'impression d'une fuite en avant mais pas dans ce roman, on sent autre chose, une subtilité que je ne sais pas expliquer. NB : C'est malin, il faut absolument que je livre "Suleyman" maintenant ! ^^ 




Simon:



Salut Ramettes

Content que tu continues à prendre du plaisir au milieu des multiples univers de « L’emprise des rêves » J.
Sur les histoires de différence de déroulement du temps en fonction des mondes, et celles des différentes variables en fonction de nos choix, ce n’est pas tant la possibilité de remonter le cours des choses pour les modifier que de mettre en avant les conséquences de nos actes qui m’a intéressé. Je m’explique… Effectivement, beaucoup de gens rêvent de pouvoir revenir en arrière pour effectuer des choix différents et améliorer leur situation actuelle. Il y a un côté mystique, fascinant et très puissant dans cette idée, mais ce n’est pas ce à quoi je rêve personnellement. Si je prends l’exemple de ma vie, il y a des choix que j’aurais pu faire différemment et, comme tout le monde, j’ai commis certaines erreurs. Mais je ne regrette rien : ce sont des choix que j’ai fait aux époques concernées parce qu’alors ils me paraissaient les meilleurs, ou en tout cas les plus en phase avec ce que j’étais et ce que je voulais. Et ces erreurs sont extrêmement importantes pour moi car ce sont elles qui ont petit à petit forgé le personnage que je suis aujourd’hui. Si j’avais la possibilité de modifier certaines d’entre elles, eh bien je suis presque persuadé que je n’en ferais rien. Si le sujet t’intéresse, je te conseille vivement ma nouvelle « Le marchand de réalités » (publiée dans le recueil « Jeteurs de sorts » chez Malpertuis, puis dans mon recueil numérique « Le marchand de réalités » chez ActuSF). L’histoire est celle d’un jeune homme qui veut modifier un élément de son passé et qui se met en quête d’une sorte de mage auquel on prête ce pouvoir. Le texte joue sur les différentes réalités et, justement, sur cette envie très humaine de modifier le passé pour améliorer le présent. C’est une nouvelle qui se situe dans la continuité de « Suleyman » et de « L’emprise des rêves », mais qui va beaucoup plus loin, notamment dans sa structure…
Pour en revenir à ta question, ce que j’ai voulu montrer avec tout cela, c’est surtout l’importance des choix. À chaque fois que nous sommes confrontés à un choix, il en résulte plusieurs univers, lesquels peuvent être radicalement différents, même si le choix peut paraître minime à l’origine. C’était une manière pour moi d’essayer d’éveiller la conscience de ce que chacun d’entre nous possède comme impact sur le monde, et que chacune de nos actions recèlent en elles une importance énorme en cela qu’elle va participer à la détermination de notre futur, et de celui du monde dans lequel nous évoluons…
Enfin, le sentiment que tu as est très intéressant : le fait que les mouvements du livre n’évoquent pas la fuite en avant. C’est difficile pour moi de juger cela car, en tant qu’auteur, je ne possède aucun recul de lecteur sur ce roman. Mais je me demande si ce sentiment ne provient pas du fait que les personnages ont connaissance de ce dont je viens de parler. Ils savent que leurs multiples choix ont donné naissance à des doubles d’eux-mêmes qui vivent des existences différentes. Cette prise de conscience modifie complètement la perception que nous pouvons avoir en tant qu’humain ne bénéficiant théoriquement que d’une seule vie. Quelque part, les héros de « L’emprise des rêves » savent que, s’ils se fourvoient, un autre qu’eux aura fait le bon choix, dans une autre dimension. Et cela atteint son point culminant avec la métamorphose de Suleyman, qui est développée dans le premier roman, et dont je ne peux pas vraiment parler ici sous peine de déflorer cette histoire…









Bonjour Simon et merci pour votre réponse précédente.


Je suis en train de lire l'Emprise des rêves. Je commenterai en détail mes impressions quand j'aurai fini mais je peux déjà dire que le multivers me plait beaucoup. Je l'ai reçu avec retard et je suis particulièrement débordée en ce moment, j'aurais bien besoin de passer sur un monde où le temps va à l'envers pour souffler un peu.
Je vois que vous avez été présent au salon de Brive. Je n'ai pas pu y aller cette année, mais ce salon m'a paru l'an passé très sympathique et bien organisé en tant que lectrice. Et vous qu'en pensez-vous en tant qu'écrivain ? Etes-vous épuisé ou revigoré après un weekend de rencontres avec des lecteurs ? 
D'autre part je suis curieuse de savoir à quoi ressemble l'art typographique auquel vous avez participé... Oui, vous seriez déçu si on ne vous posait pas la question après cette belle accroche dans votre présentation, me trompè-je ? L'artiste a-t-elle un site ou blog où l'on peut voir de quoi il retourne exactement ?
Merci. 




Simon:



Salut Claire,

Simple : la Foire du Livre de Brive est tout simplement le meilleur salon auquel il m’a été donné de participer ! En tant qu’écrivain c’est un pur bonheur : organisateurs et libraires sont adorables, tout est parfaitement planifié et on est reçus comme des rois (et je ne parle pas de l’ambiance dans le train du livre qui achemine les auteurs depuis Paris). Et du côté des lecteurs c’est tout aussi fabuleux : ils sont des dizaines de milliers, sont curieux et, cerise sur le gâteau, ils achètent plein de bouquins J. Mon meilleur souvenir pour n’en citer qu’un, c’est celui d’une adolescente qui est venue m’acheter « Rancœur » le samedi, et qui est revenue me prendre tous mes autres bouquins le dimanche car elle avait dévoré le livre dans la nuit…
Après ce genre de week-end on est à la fois épuisé et archi-motivé. Epuisé parce qu’on n’a aucun répit (j’étais derrière mon stand, fidèle au poste, de 9h à 20h, et puis après il y avait les soirées…) et ressourcé au niveau de la motivation pour différentes raisons. Déjà il y a les rencontres avec les lecteurs, qui nous motivent, nous encouragent, et cela n’a pas de prix quand on passe la plupart de son temps seul devant son manuscrit. D’un coup on sait pourquoi on fait tout ça. Et ensuite il y a les rencontres avec les autres auteurs et les éditeurs : discuter avec de nouvelles personnes, évoquer de nouveaux projets, se rendre compte de tout ce qui est produit et se dire qu’il ne faut rien lâcher pour continuer de participer au tout, etc. J’essaye de faire peu de salon parce que je préfère consacrer mes week-ends à l’écriture, mais c’est important au niveau de cette motivation, et celui de Brive est tout simplement fabuleux…
Au sujet « d’art typographique », l’œuvre que j’évoquais s’intitule « L’homme-livre », et traite du devenir des expériences et des ressentis de chacun, de leur transmission via l’objet livre ou pas, ici incarné par le corps humain et son aspect forcément éphémère. Et pour l’anecdote, elle propose une double réalité (le hasard n’existe pas !) avec le texte qui se scinde en deux à la fin. J’avoue, en effet, que je ne l’ai pas évoquée juste comme ça ;-). Et ce pour une simple raison : depuis plusieurs années je m’applique à décliner l’écriture vers d’autres supports que le livre (ce type de projet mais aussi des choses en lien avec la musique, le multimedia, l’audiovisuel, le théâtre…), et j’ai trouvé que c’était une belle occasion de l’évoquer. En effet, lorsque je fais une interview dans le milieu littéraire, on ne me parle que de livres. C’est assez normal, mais c’est aussi frustrant puisque le reste de mon activité artistique est étroitement liée, et tout aussi importante pour moi.
Bref, « L’homme-livre » n’est pas visible sur internet pour une bête question de format : il s’agit d’un panneau taille réelle, d’1m80 de côté, et que le montrer en plus petit le dénature en partie. En compromis, je vous propose ici un détail qui représente, en quelque sorte, son ouverture :




Phooka :

Coucou Simon,
Une question peut-être un peu délicate ...
Plusieurs de tes romans ont été publiés chez feu "Asgard Edition" et du coup ils ne sont plus disponibles actuellement. Que vont-ils devenir ?

Simon :

Hello Phooka,
Eh bien je cherche tout simplement à les faire rééditer. Pour cela j’ai plusieurs options. Ma préférence va a une réédition en format poche, plus logique puisque ces deux romans ont déjà eu une vie en grand format. Ce serait également l’occasion de les retravailler et, surtout, de les compléter avec quelques textes inédits histoire d’enrichir l’univers ainsi que le passé de Karn. J’ai proposé cela à plusieurs éditeurs qui sont en train d’y réfléchir, affaire à suivre… Après il y a la solution du numérique, j’ai déjà reçu plusieurs propositions en ce sens. Enfin, pourquoi pas les ressortir en grand format avec un système d’impression à la demande, comme le fait Rivière Blanche.
Pour l’instant rien n’est arrêté mais, une chose est sûre : ils reviendront !

Ramettes 

Une question me vient sur l'éditeur. Je l'avais déjà posé à Thomas Geha... Comment êtes vous venu aux éditions Rivière Blanche ,spécialisées en SF mais qui sont dans l’Ariège ?


Simon :



Bonjour Ramettes,
Je suis venu aux éditions Rivière Blanche un peu par hasard, mais de manière finalement assez logique. Déjà, à l’heure d’internet, la position géographique d’un éditeur ne signifie plus grand-chose, hormis pour les éditeurs de textes régionaux, et encore… Quand j’ai commencé à écrire, dans les années 90’, je visais déjà l’édition, et ma cible à l’époque, c’était la collection Anticipation des éditions Fleuve Noir (d’ailleurs « Suleyman » est calibré à l’ancien format du Fleuve). Mais quand j’ai eu fini mon premier roman, la collection Anticipation avait cessé d’exister. Je me suis donc tourner vers d’autres éditeurs, plus gros et, surtout, qui publiaient une littérature somme toute assez différentes. J’ai essuyé des refus pendant quelques années puis j’ai entendu parler de la création d’une nouvelle maison d’édition : Rivière Blanche, qui voulait reprendre le flambeau du Fleuve. Pour moi ça a été la révélation. Non seulement je trouvais le concept excellent (notamment dans l’objectif de permettre aux jeunes auteurs de faire leurs premières armes, l’une des grandes qualités du Fleuve Noir Anticipation) mais en plus la ligne éditoriale collait parfaitement à « Suleyman ». J’ai donc envoyé mon roman à Philippe Ward, qui l’a accepté immédiatement et m’a donc offert ma première publication. Et je ne le regrette pas ! Rivière Blanche a beau être une « petite » maison d’édition, ils travaillent de manière très carrée, avec passion, et sans se soucier des contraintes économiques (actuellement, ils font partie des derniers à décider de publier un bouquin simplement parce qu’ils l’ont aimé, ce qui mérite d’être souligné). Et quand j’ai dû retrouver un éditeur dans l’urgence suite au décès des éditions Asgard, je me suis tourné sans hésiter vers Rivière Blanche. J’ai alors retrouvé l’inestimable plaisir de travailler avec Philippe Ward (dans l’efficacité et la sérénité) qui est vraiment un mec en or.







Bonsoir Simon,

Ravi d'avoir pu lire tes réponses et les questions de mes camarades de jeux et de lecture... Tu parles de l'écriture d'une de tes nouveaux livres dans le registre de la littérature générale... Qu'entends-tu par là ? Penses-tu qu'il faille systématiquement classifier les livres ? Cela ne les désavantagent-il t'ils pas un peu ? 

Simon :

Bonjour Olivier
Par « littérature générale », j’entends une histoire qui se déroule dans notre monde, peu ou prou de nos jours, sans élément fantastique, et qui ne ressort ni du policier ni du thriller. Les anglophones parlent de « mainstream », ce qui est peut-être un peu plus évocateur.
Je suis effectivement contre les étiquettes abusivement (et inutilement) complexes, du genre high-fantasy, dark-fantasy et compagnie. Mais elles possèdent tout de même un minimum d’importance, ne serait-ce que pour orienter (et surtout ne pas tromper) le lecteur. Le roman que j’écris en ce moment n’a strictement rien à voir, de près ou de loin avec ce que j’ai pu faire jusqu’à aujourd’hui. Cela me paraît important de le signaler car, si des lecteurs ayant aimé Karn ont également pris du plaisir à lire Suleyman et vice-versa, là c’est une autre paire de manche puisque je quitte complètement le champ des littératures de l’imaginaire au sens large. En effet, les étiquettes peuvent desservir un livre, mais elles sont également là pour guider les libraires qui vendent ces livres, il s’agit donc d’un équilibre très instable. Car le problème au fond, c’est que les libraires ont des rayons étiquetés. Par exemple, « Sur la piste de Tarzan » et « A la poursuite de Dracula » ont eu du mal à fonctionner en librairie parce que les libraires ne savaient pas trop quoi en faire. J’ai vu ces livres au rayon voyage, à celui du fantastique, et même dans un rayon photographie d’art… C’est très complexe. Sans parler des livres qui relèvent techniquement de la science-fiction, publiés en littérature générale, et qui ont été lus par des gens qui disent ne pas aimer la science-fiction et qui ignoraient même qu’ils se trouvaient justement en train d’en lire…
Bref, on est finalement un peu obligé de faire avec ces étiquettes.


Dup 



En parlant d'éditeur, tu as déjà des pistes pour ton prochain roman ? Car je suppose que de la littérature générale ne va pas trop aller avec Rivière Blanche...
Comment se passe cette phase de prospection ? 



Simon :

Salut Dup,


En effet : comme je change radicalement de registre, il va également falloir que je change d’éditeur ! Pour l’instant je me suis à peine posée la question, je préfère me concentrer sur la création et sur le défi que représente ce nouveau projet. Mais au final je ferai certainement comme tout auteur débutant : je sélectionnerai un panel d’éditeurs susceptibles d’accepter ce projet et je leur enverrai le tapuscrit. Le milieu de l’imaginaire français étant assez fermé, j’ai finalement peu de contacts au-delà de ces éditeurs, même si j’en possède un peu tout de même. Je m’apprête donc à jouer le jeu des piles de manuscrits avec la longue attente que cela implique. Ça ne me dérange pas : je suis habitué aux lenteurs de ce monde. Le délai entre la première idée jetée sur le papier et le moment où l’on tient le livre entre ses mains est tellement long (même quand on a déjà publié et qu’on travaille déjà avec un éditeur) que j’ai appris la patience. Et pendant que j’attendrai les réponses des éditeurs, j’écrirai un autre livre, c’est le meilleur moyen de passer le temps .





Phooka


Encore moi ...
Ma question fétiche :)

Quand tu réponds à une interview, y'a t'il une question qui t'agace particulièrement ?

Et quelle est celle que tu aimerais qu'on te pose ?

Simon :





Salut Phooka,
Eh bien pas particulièrement, en fait. D’une part parce qu’il en faut beaucoup pour m’agacer, et d’autre part parce que je suis tout à fait serein par rapport à mon activité littéraire : je n’en vis pas donc je n’ai pas de contraintes ni d’enjeu véritablement décisifs vis-à-vis d’elle. En conséquence, les interviews sont juste l’occasion d’échanger avec le lectorat et j’en suis tout à fait ravi, tout simplement, comme ici J.
Quant à la question que j’aimerais qu’on me pose… Eh bien je n’y ai jamais songé, réfléchissons… Ah voilà, j’ai trouvé ! Il ne s’agirait pas d’une question précise, et il n’y en aurait pas qu’une seule, mais il faudrait que ce soit une question qui me fasse mettre le doigt sur quelque chose, qui, en réfléchissant à la réponse à lui donner, me ferait comprendre un truc qui m’a échappé dans mes écrits. Bref, une question qui m’amène à observer quelque chose sous un aspect nouveau, à me faire progresser voire à m’orienter dans une nouvelle direction, ce qui est finalement la base de toute discussion.


Olivier BIHL

Vraiment emballé par tous ces échanges et la qualité des infos délivrées et détaillées, merci à toutes et tous, j apprends plein de choses ici. Des repères dans les auteurs polyvalents (comme toi) en auteurs étrangers ?




Simon :



Bonjour Olivier,
C’est un plaisir partagé, sincèrement J.
Par contre sur cette question je risque de décevoir car je n’ai vraiment aucun nom qui me vienne à l’esprit. Il en existe évidemment, mais je n’ai pas les connaissances suffisantes pour t’en citer (pour cela il faudrait connaître l’œuvre de chacun dans toute sa globalité, et il n’y a malheureusement aucun auteur pour qui j’ai fait cet effort mis à part peut-être Robert E. Howard…).





Dup 


Je reviens sur cette notion d'étiquette. C'est vrai qu'elle est nécessaire mais parfois génante. En revanche, moi je crois plus en tant que lecteur qu'on suit plus un auteur parce qu'on aime sa plume que pour le registre dans lequel il écrit. La meilleure preuve en est que Thomas Geha m'a fait lire et apprécier de la SF... et là je te rejoins à nouveau, sur cette histoire de lecteur de SF :)
Mon soucis, c'est plus l'info. Comme on ne chine pas les bouquins en littérature générale. Pourras-tu nous le signaler lorsqu'il sortira ? 
Même si c'est dans longtemps, pas grave, j'ai encore pas mal de choses à découvrir de ta plume. Oui, je sais c'est égoïste :) 




Simon :

Salut Dup,
Je te rejoins là-dessus : il est des auteurs qui sont capables de nous faire apprécier tout type de textes tant nous plaisent leur style et les choses qui leur tiennent à cœur. Parce que le genre d’un texte n’est finalement qu’un enrobage du fond, sans parler de la plume. Pour exemple, j’aurais pu traiter des thématiques de « Rancœur » dans un univers de science-fiction, ou encore dans un roman de littérature générale. J’ai choisi la fantasy parce qu’elle me permettait de mettre en image toute la noirceur du personnage presque directement, sans filtre, mais j’aurais pu me débrouiller différemment. Autre exemple : un auteur comme Howard parle toujours de la même chose, que ce soit dans la fantasy, les histoires de cow-boys ou encore son autobiographie…
Et pour ce nouveau projet, je vous tiendrai au courant, compte sur moi ! Par contre je sens que ça va être un travail de longue haleine. C’est tellement vaste et si différent de ce que j’ai fait jusqu’ici que je veux lui apporter un soin tout particulier. Cela ne m’étonnerait pas si je lui consacrais plusieurs années, avec pourquoi pas des pauses pour écrire d’autres choses…




Bonjour Simon,
Merci pour l'extrait de l'homme-livre. J'espère aller à Brive l'an prochain et peut être vous faire dédicacer quelques ouvrages ;) 
Ca y est j'ai rattrapé mon retard en passant par quelques mondes...et fini "L'emprise des rêves".

Je voudrais savoir si Dali vous inspire en général ou bien si c'est seulement en tant que maître de l'onirisme pictural que vous lui rendez hommage sur SD4 ?

D'autre part, j'ai fort apprécié l'incipit/excipit (oui, vocabulaire d'une ancienne étudiante de lettres...). N'êtes-vous pas un peu dingue de mettre en scène votre propre fin ? Cela dit je comprends, vous vous donnez une chance de le voir débouler...une sur des milliards ?
Enfin comptez-vous sérieusement tenir votre promesse de les laisser en paix ? Ce qui voudrait dire aucune suite à l'Emprise de rêves ?
Drôles de questions, n'est-ce pas ? On devient un peu perché après avoir lu ce bouquin...Où est le réel, où est la fiction... En tout cas ça ne laisse pas de marbre. Merci pour cette belle part de rêve.
Claire 


Simon :


Salut Claire,
Dali n’est pas particulièrement une source d’inspiration, mais c’est un artiste que j’apprécie beaucoup, et je crois que je ne suis pas le seul… Dans « L’emprise des rêves », je fais de multiples clins d’œil à des univers connus, et je tenais à ce que ceux-ci ne soient pas uniquement des mondes issus de livres. J’avais notamment eu l’idée de faire transiter des personnages par des œuvres relevant de l’art pictural. Et j’ai choisi Dali pour les raisons que tu énonces : son œuvre, cette partie en tout cas, est emprunte d’un onirisme très puissant. Elle s’est imposée à moi de manière très logique pour s’intégrer aux mondes de « L’emprise des rêves ».
J’ai adoré écrire les prélude et postlude de ce roman, c’était vraiment très drôle pour moi de me mettre en scène tout en campant une rencontre imaginaire entre l’auteur et sa création, et cela surpasse le fait que j’y meurtJ. Pour l’anecdote, c’est en ayant l’idée de ces deux scènes que je me suis dit qu’il fallait écrire une suite à « Suleyman », tout est parti de là… Sinon l’objectif était bien celui-là : se donner une chance potentielle d’une discussion avec l’un de ses personnages, mettre en abîme le texte en montrant que c’est possible et, surtout, l’amener de telle manière que cela reste encore possible si cela ne se produit pas… Je ne détaille pas trop pour ne pas gâcher l’histoire à celles et ceux qui ne l’ont pas lue, mais je suis sûr que tu vois ce que je veux dire.
Enfin oui : je ne compte vraiment pas écrire d’autres aventures mettant en scène Suleyman et Zoé. Cela peut paraître un peu mystique mais je me dis que, si le postulat de ces deux romans est vrai (ce qui est techniquement possible), alors je me dois de tenir ma promesse. Cela dit, je ne m’interdis pas d’écrire de nouvelles histoires situées dans le multivers, peut-être en évoquant rapidement ces personnages, ou en reprenant d’autres protagonistes apparus dans « Suleyman » et « L’emprise des rêves ». Le concept que j’ai utilisé pour ces deux romans est tellement vaste qu’il y a matière à de nombreux romans…
Et merci à toi pour ces retours, pour moi c’est vraiment gratifiant de recevoir ce type de commentaire. Sincèrement, cela me touche beaucoup.

8 commentaires:

Ramettes a dit…

Merci pour cette belle réponse, parce qu'après coup j'avais l'impression que ma question était embrouillée. En fait inconsciemment ce qui m'a fait pensé à cette histoire de multivers c'était le fait de pouvoir revoir des personnes disparues.. un peu ce que vit Zoé en cherchant des traces de "Suleyman".
Bon je note qu'en plus de "Suleyman" il va me falloir "le marchand de réalité" !

Phooka a dit…

Coucou Simon,

Une question peut-être un peu délicate ...
Plusieurs de tes romans ont été publiés chez feu "Asgard Edition" et du coup ils ne sont plus disponibles actuellement. Que vont-ils devenir ?

Ramettes a dit…

Une question me vient sur l'éditeur. Je l'avais déjà posé à Thomas Geha... Comment êtes vous venu aux éditions Rivière Blanche ,spécialisées en SF mais qui sont à dans l’Ariège ?

Dup a dit…

En parlant d'éditeur, tu as déjà des pistes pour ton prochain roman ? Car je suppose que de la littérature générale ne va pas trop aller avec Rivière Blanche...
Comment se passe cette phase de prospection ?

Phooka a dit…

Encore moi ...
Ma question fétiche :)

Quand tu réponds à une interview, y'a t'il une question qui t'agace particulièrement ?

Et quelle est celle que tu aimerais qu'on te pose ?

Olivier Bihl a dit…

Vraiment emballé par tous ces échanges et la qualité des infos délivrées et détaillées, merci à toutes et tous, j apprends plein de choses ici. Des repères dans les auteurs polyvalents (comme toi) en auteurs étrangers ?





Dup a dit…

Je reviens sur cette notion d'étiquette. C'est vrai qu'elle est nécessaire mais parfois génante. En revanche, moi je crois plus en tant que lecteur qu'on suit plus un auteur parce qu'on aime sa plume que pour le registre dans lequel il écrit. La meilleure preuve en est que Thomas Geha m'a fait lire et apprécier de la SF... et là je te rejoins à nouveau, sur cette histoire de lecteur de SF :)
Mon soucis, c'est plus l'info. Comme on ne chine pas les bouquins en littérature générale. Pourras-tu nous le signaler lorsqu'il sortira ?
Même si c'est dans longtemps, pas grave, j'ai encore pas mal de choses à découvrir de ta plume. Oui, je sais c'est égoïste :)

Anonyme a dit…

Bonjour Simon,
Merci pour l'extrait de l'homme-livre. J'espère aller à Brive l'an prochain et peut être vous faire dédicacer quelques ouvrages ;)
Ca y est j'ai rattrapé mon retard en passant par quelques mondes...et fini "L'emprise des rêves".

Je voudrais savoir si Dali vous inspire en général ou bien si c'est seulement en tant que maître de l'onirisme pictural que vous lui rendez hommage sur SD4 ?

D'autre part, j'ai fort apprécié l'incipit/excipit (oui, vocabulaire d'une ancienne étudiante de lettres...). N'êtes-vous pas un peu dingue de mettre en scène votre propre fin ? Cela dit je comprends, vous vous donnez une chance de le voir débouler...une sur des milliards ?
Enfin comptez-vous sérieusement tenir votre promesse de les laisser en paix ? Ce qui voudrait dire aucune suite à l'Emprise de rêves ?
Drôles de questions, n'est-ce pas ? On devient un peu perché après avoir lu ce bouquin...Où est le réel, où est la fiction... En tout cas ça ne laisse pas de marbre. Merci pour cette belle part de rêve.
Claire