lundi 5 mars 2012

ÊTRE UNE FEMME / 1 de Nicolas Sker









CHAPITRE 1





J’ai ouvert les yeux et j’ai vomi. Des spasmes si violents j’ai cru que ma gorge allait se déchirer. Vidée, j’ai laissé retomber ma tête contre le bitume maculé de bile. Où étais-je ?
-  Madame ? Madame, nous avons appelé les secours. Ils vont arriver. Tenez bon.
Une main s’est posée sur mon épaule et c’est là, par cet imperceptible mouvement que la douleur s’est réveillée. Brutale, cinglante. Les larmes sont montées en premier. Puis la perception s’est affinée. L’incendie dévorait mon bas ventre à coups de lames chauffées à blanc. Je crois que j’ai hurlé. Mes mains ont essayé d’écraser la douleur.
-  Ne touchez pas Madame, vous allez aggraver la blessure !
On m’a retenu. Comme on interdit au chien de mordre la plaie qui le rend fou.
-  Madame, arrêtez !
-  Laissez-moi ! ai-je crié.
J’ai voulu me débattre mais un autre spasme m’a coupé en deux. J’ai vomi un filet de bile raclée au fond d’un estomac vide. Les mains écrasées sur mon visage, j’ai alors senti un goût ferreux.
-  Vous avez perdu beaucoup de sang…Ne bougez pas.
Une veste d’homme était posée sur moi. Je l’ai soulevé. Et j’ai compris ce qu’on m’avait fait. Des lambeaux de robe, ma poitrine lacérée à la vue de tous et ces morceaux de tissus poisseux qui collaient à mes cuisses. Mon sexe saignait.
-  Madame, regardez-moi.
J’ai fini par tourner la tête vers cette voix.
-  Comment vous appelez-vous ? m’a demandé l’homme en chemise.
D’abord l’impression d’une évidence. Puis une brume opaque, comme le souvenir d’un rêve que l’on croyait saisir sans effort et qui nous échappe.
-  Je m’appelle…
-  Oui ?
Le doute, le déni de réalité, et enfin l’effroi : je ne me souviens de rien.
   L’homme penché sur moi hoche ma tête d’un air rassurant mais je le sais, il est gêné. Des silhouettes le poussent et s’accroupissent à côté de moi. Elles me posent des questions, m’éblouissent de leur lampe torche, me compressent le bras de leurs appareils de mesure et me soulèvent sur une civière. Une aiguille
s’enfonce dans mon bras. La douleur s’endort.
  Allongée, je vois pour la première fois l’endroit où on m’a trouvée. Il fait nuit. La ruelle est sale, puante d’ordures. Des visages inconnus me scrutent alors que l’on me tire sur ce brancard. Je sens qu’ils voudraient voir ce qu’il y a sous la couverture argentée que les secouristes ont posé sur moi. Toucher, s’attarder sur les détails des plaies. Leurs globes oculaires roulent sur mon corps. J’ai l’impression d’être violée une deuxième fois.
-  Nous allons vous conduire à l’hôpital Madame. Vous allez probablement devoir être transfusée. Il nous faut votre accord et votre groupe sanguin.
Je ne réponds pas. Toutes ces questions n’ont pas de sens. A-t-on encore envie de vivre quand on a tout oublié ?
Le secouriste cherche rapidement sur moi. Il parle à son collègue. Il croit que je ne l’entends pas.
-  Ils ne se sont pas contentés de la violer et de la tabasser. Ils lui ont aussi vidé son sac à main. Elle n’a rien sur elle.
-  Madame, comment vous appelez-vous ?
Je ne me donne pas la peine de répondre. Ils comprendront.
-  Madame, vous souvenez vous de ceux qui vont ont agressé ?
Je sens que l’on me fait glisser dans une ambulance. Je m’apprête à fermer les yeux. Mais une figure se penche brutalement au-dessus de moi. C’est une femme. Quelque chose me semble familier chez elle. Son regard est souriant. Mais sa voix acide pénètre mon tympan.
-  Maintenant tu sais vraiment ce que ça fait.
Le visage disparaît. Et les portes de l’ambulance se referment dans un claquement sec.



La suite lundi prochain ;)

8 commentaires:

Unknown a dit…

Une torture pour cette femme et pour nous qui allons devoir attendre !
Un texte original, très accrocheur surtout quand on sait que c'est un auteur masculin qui écrit ça. Vivement la suite Nicolas Sker ;)
Et merci les filles :D

Dup a dit…

Ça accroche bien hein ! Et tu vas voir, cela va plus que crescendo :))

Unknown a dit…

Rho vilaine que tu es, tu connais déjà la suite et tu nous fais encore plus languir :)
Je serais au rendez-vous lundi prochain !

Phooka a dit…

Trop bien, faut que je lise la suite...ha oui, c'est vrai je la connais! :diable:

sophinette73 a dit…

Quel début! Vivement lundi prochain!!!

Et merci!

Sker a dit…

Merci Kamana. Curieux d'avoir votre avis sur la suite.

Sker a dit…

Merci. La suite va vous embarquer dans une enquête, courte certes, mais qui devrait vous faire cogiter. A trés vite.

Wilhelmina a dit…

Vivement la suite (^-^)