mercredi 31 octobre 2018

Bilan du mois de CLÉMENT BOUHÉLIER






Nous sommes le 31 octobre et vu que cette année encore il n'y aura pas de 32, c'est donc la fin de ce "mois2". Un grand merci à Clément d'avoir joué le jeu jusqu'au bout, merci aux participants et également aux éditions Critic de nous avoir accompagnés dans cet événement !
C'est donc l'heure du bilan avant de laisser la parole à Clément.


UNE PRÉSENTATION DE OUF !




UNE NOUVELLE INÉDITE : UN GRAND FEU DE JOIE





QUATRE PAGES D'INTERVIEW PARTICIPATIVE




DES CHRONIQUES











Et un stylo ...
(que Clément m'a piqué lors de la rencontre dédicace à Grenoble 😁)
signé: Phooka



LE MOT DE LA FIN DE CLÉMENT...

plus tard !
:)


mardi 30 octobre 2018

OLANGAR 2/2 de Clément Bouhélier (Phooka)




OLANGAR

BANS ET BARRICADES

2/2


Éditions Critic
490 pages
22 euros



À Olangar, le combat des nains a laissé des traces sanglantes dans le quartier portuaire. D’âpres négociations s’ensuivent tandis que les candidats à la Chancellerie multiplient les manœuvres politiques et les coups bas pour l’emporter. Pour mener à bien la lutte des ouvriers et contrer les agissements du clan de Malberg, le nain Baldek être obligé d’avancer masqué. Il entame un jeu dangereux avec ses ennemis directs, comme avec ses alliés les plus loyaux.
Pendant ce temps, loin de la capitale, Evyna et Torgend débarquent à Frontenac pour y trouver Stej Lombor, un ancien ami d’Andréan d'Enguerrand. Dans la chaleur étouffante et la cacophonie permanente de la Ville de Fer, la sœur meurtrie et l’elfe découvre une vérité terrifiante. Séparés au gré des épreuves, confrontés aux plaines arides de l’Oydimörk, ils sont forcés de nouer une alliance contre nature pour venger enfin le frère d'Evyna et mettre au jour le complot qui menace le royaume.







La meilleure façon pour moi d'écrire cette chronique serait juste de reprendre la dernière phrase de ma chronique du premier tome "Si je conclus en vous redisant que j'ai TOUT aimé, ça vous suffit où je dois en remettre une couche ? "

Voilà, j'ai tout aimé dans le tome 1 ... y compris le tome 2 !!!!


Retrouver Torgend, Evyna et Silja, les suivre dans leur incroyable épopée est juste un immense plaisir. Cette fois ils ont quitté Olangar et ses magouilles politiques, laissant les nains gérer la crise. Eux, ils arrivent à Frontenac ... et c'est pire encore. Une ville effarante, effrayante, pleine de bruit et de fureur. Un endroit où personne ne voudrait mettre les pieds de son plein gré. Frontenac, la ville de fer. On se la prend en plein dans la figure, le bruit nous arrache les tympans. Il nous faut fuir au plus vite cet endroit démentiel. Fort heureusement les héros aussi devront fuir, en ordre dispersé, pour mieux se retrouver par la suite. Et c'est à ce moment là que nous rencontrons Ergan. Ergan, un Orc, un Peau-Verte, un ennemi ... ou pas. Sans doute le personnage le plus mystérieux et le plus touchant de cet opus. Car non, les Orcs ne sont pas des bêtes sauvages comme tendent à penser les habitants d'Olangar. A travers Ergan nous en apprenons beaucoup sur eux. Beaucoup et si peu ... Quand on referme la dernière page, on se surprend à se dire que nous aussi nous aimerions visiter les Hauts-Lieux et en apprendre un peu plus sur leur mode de vie. Mais ici n'est pas le propos.

En parallèle, les nains continuent à se défendre becs et ongles à Olangar. Leur guerre est sans doute plus psychologique. Magouilles politiques, chantage et tricheries sont au rendez-vous et sortir de cet autre bourbier est tout aussi complexe. 

Ce deuxième tome est en droite lignée du premier, une continuation de ce récit qui m'avait déjà enchantée. Il est difficile d'en parler sans risquer de spoiler. Dup l'a très bien fait dans sa chronique alors je ne vais pas m'étendre. 

La seule chose que je veux rajouter c'est que cette fantasy-politique est un régal. Et que quand on comprend l'ampleur du complot alors on réalise à quel point l'auteur a bien tissé sa toile. Pas étonnant que le lecteur se soit englué dedans !

Mon seul petit regret : J'aurais juste aimé avoir des nouvelles des quatre elfes qui ont aidé Torgend. Peut-être un jour, au détour d'un autre récit ? 

Olangar est un immense coup de coeur, un diptyque qui se déguste et se dévore sans aucun temps mort. Tout y est passionnant, absolument tout et franchement c'est vraiment suffisamment rare pour être noté. Chaque saveur, chaque détail a son utilité, son intérêt et l'ensemble ainsi concocté est un vrai régal.

lundi 29 octobre 2018

SHADES OF LIGHT de V.E. Schwab




Éditions Lumen
762 pages
16 euros


Le pitch :


Kell est un magicien de sang, un sorcier capable de voyager d'un monde à l'autre. Des mondes, il y en a quatre, dont Londres est, à chaque fois, le cœur et l'âme. Le nôtre est gris. Le deuxième, rouge, déborde de magie. Dans le blanc, elle s'est faite bien trop rare quand, dans le noir, elle a tout dévoré. Et le fléau s'apprête à contaminer chacun des univers jusqu'au dernier – ce n'est plus qu'une question de temps...

Car les ténèbres ont déjà commencé à s'étendre sur le flamboyant Londres rouge. Les habitants en sont réduits à choisir entre céder aux sirènes dévastatrices de la magie et entamer contre elle une lutte désespérée jusqu'à la mort. Si Kell semble immunisé contre le poison qui gangrène son royaume, la fin le guette, lui aussi... à moins que des alliés inattendus ne le rejoignent dans la bataille À commencer bien sûr par Lila, qui ne raterait pour rien au monde une occasion de partir à l'aventure et faire étalage de sa puissance. Mais, aussi intrépides qu'ils soient, comment de simples magiciens pourraient-ils faire le poids face à l'incarnation même de la magie ?









Voilà bien une série qui est allée en ce bonifiant. Je me souviens que le tome 1 m’avait bien plu… Mais j’y avais trouvé quelques longueurs. Il faut dire aussi qu’il fallait à V.E. Schwab installer son univers et avec quatre mondes superposés ce n’est pas une mince affaire. Puis le tome 2 m’avait convaincu, et avec un screugneugneu de cliffhanger, je piaffais pour lire la suite. Alors qu’en est-il de ce tome 3 ? Une tuerie !

760 pages avalées en si peu de temps que j'en suis toute dépitée. Parce que oui, moi je voulais y rester dans cet univers, avec ses personnages, avec cette magie si singulière ! Mais l’intrigue déroulée ne laisse aucun répit. On reprend juste après le cliffhanger, et de suite le palpitant s’emballe tant la situation est tendue. Il menace même d’exploser le palpitant, parce que mine de rien on les aime les protagonistes de cette histoire. On les aime même de plus en plus car le récit de l’auteur se fait plus intimiste. On approche au plus près des sentiments des deux jeunes couples : Kell et Lila, Rhy et Alucard. L’auteur met plus en avant également le vieux couple royal et je dois avouer que le roi Maxim que je ne portais pas dans mon cœur à cause de son attitude vis-à-vis de Kell, m’a énormément surprise.

Ce tome 3 est essentiellement centré sur le trio des Antaris qui vont devoir s’allier pour sauver le Londres rouge sous l’emprise d'Osaron. Un Osaron que j’ai du mal à qualifier. Une sorte de démon, ou de dieu, ou d’esprit, ou de magie pure, ou un peu de tout ça entièrement dévoué au chaos. Le trio des Antaris je disais donc, Lila, Kell et Holland. Et on découvre donc en profondeur ce troisième personnage dont je présentais le potentiel, soit, mais j’étais loin, très loin d’imaginer que c’était lui qui ferait exploser mon cœur. Même si je reste toujours affiliée à la team Alucard ♥.

Cet univers si particulier et si complexe est à son apogée. Tout est cohérent, sans faille et vraiment passionnant. Je suis impressionnée par la maîtrise et l’originalité du monde créé par l'auteur. Un univers que l’on a pas du tout envie de quitter d’ailleurs, et pourtant l’auteur va nous pousser dehors de la plus douce des façons : une fin parfaite et surprenante pour de la littérature young adult.

On aura droit à un bon gros passage sur les mers, Alucard et Lila reprenant le rôle de pirate ? corsaire ? le débat est toujours ouvert… Mais une chose est sûre, j’aime toujours autant la fantasy maritime. 

Pour lutter contre cette monstrueuse magie noire qui est à l’œuvre, nos Antaris vont devoir trouver des artefacts magiques de ouf ! Je dois dire que l’imagination de dame Schwab dans ce domaine est époustouflante. Je serais bien restée fouiner quelques jours de plus dans ce marché flottant… malgré les conditions ! Et oui, ils ne vous reste plus qu’à le lire pour comprendre ! Sincèrement vous ne regretterez pas. Et puis franchement, 16 € seulement pour autant de pages de bonheur à lire, il n’y a pas photo. Allez zou, en librairie tout le monde.



vendredi 26 octobre 2018

SOEUR GRISE de Mark Lawrence





Éditions Bragelonne
450 pages
25 euros


Le pitch :


Depuis des siècles, les novices du couvent de la Mansuétude affinent leurs talents à l’abri de ses murs. Avant de quitter le couvent, la jeune Nona Grisaille doit choisir à quel ordre se consacrer... Mènera-t-elle une vie de prière au service de l’Ancêtre, ou optera-t-elle pour la voie du poing et de la lame ?
Mais sa décision dépend d’une meurtrière arrogante dont elle a naguère arrêté le bras et du seigneur le plus riche de l’Empire. Sans compter l’influence d’une femme qui convoite le trône impérial, et a fait de l’Inquisition son bras armé.
Et alors qu’autour d’elle le monde semble rétrécir, Nona doit tracer son propre chemin, déchirée entre l’amitié, la vengeance, l’ambition et la loyauté.
Une seule certitude demeure : le sang coulera.






Me voilà replongée dans le goulet, cette seule bande de terre restante sur la planète entre deux murs de glace avançant inexorablement des calottes glaciaires nord et sud. Un soleil toujours mourant, la survie ici-bas ne venant que de l’ingénieux système de convergence offert par la lune qui, une fois par nuit, concentre les rayons du soleil pour réchauffer cet équateur.
Nona a grandi et est désormais en classe mystique. Elle retrouve deux de ses amies passées avant elle, mais laisse le reste de sa troupe en classe grise. Peu importe, elles se retrouvent toutes en dehors des cours. Nona a toujours en tête de venger la mort de Hessa, donc de retrouver Yitch. Et qui dit Yitch, dit le cœur-de-nef volé par cette dernière pour le compte de Sherzal, la sœur de l’Empereur. On continue à découvrir les différents enseignements prodigués aux novices. J’ai adoré leur passage d’examen : les ordalies. C’est vraiment unique et d’une grande originalité.

Par ailleurs, les intrigues politiques s’intensifient et le couvent de la Mansuétude est sous haute surveillance depuis que l'Abesse a défendu une nouvelle fois ses novices en les soustrayant à la justice de l’Empire. Alors l’attaque va venir d’un autre front, celui de l’Église. Et c’est l’Inquisition qui débarque et fouine au couvent. Vitrage, l'Abesse, va tenir le plus longtemps possible avant de conseiller à Nona de fuir.

Si Nona a quelques ennemis au sein du couvent, elle en a bien plus à l’extérieur. Un vrai aimant à ennemis cette gamine. Cependant elle part avec pas mal "d’armes" en poche. Outre ses aptitudes guerrières hors du commun et encore plus aiguisées qu’avant, elle maîtrise également pas mal d’autres matières et notamment la magie de la Voie. Mais elle a surtout une hargne certaine et une volonté sans faille de rétablir la justice, sa justice. Il vaut mieux réfléchir à deux fois avant de s’en prendre aux amis de Nona je peux vous le dire ! Et puis il y a Keot. Mais lui je ne peux pas vous en parler, ça vous spoilerait une sacrée surprise donc…

Mais Vitrage n’a pas dit son dernier mot. Ancienne Inquisitrice elle-même, elle a toujours su tirer les bonnes ficelles et protéger les arrières de ses ouailles. Ainsi Nona sera suivie par sœur Bouilloire, elles-mêmes suivies par l’impassible Zole.

L'Abesse continue à faire tomber ses dominos et l’immense puzzle commence à se dessiner. C’est magistral et complexe à souhait. J’ai adoré cette lecture qui se termine sans cliffhanger et j’ai vraiment hâte d’avoir la suite entre les mains car il y a encore bien des points à éclaircir. En fait j’aime tout dans cette série… sauf les couvertures ! Nona à la fin de ce tome deux a 14-15 ans selon ses estimations... celle de la couv a 30 balais bien tassés non ?



jeudi 25 octobre 2018

HARLEY KING, détective de l’invisible de Patrick Mc Spare




Editions Scrineo

Illustration de Benjamin Carré

Date de parution : 25 octobre 2018
352 pages
16,90 €




Berlin est une grande ville.Harley King est un grand détective.
Ses clients, les Toffer, sont une grande famille.
L’affaire, elle, pourrait se réduire à de sordides questions d’héritage. Mais à la nuit tombée, une créature cauchemardesque assassine.
Enquêteurs du paranormal, Harley, son ami Nosfe et la médium Miss Jade vont devoir agir. Si possible tant qu’il reste des vivants autour d’eux.
Berlin after dark !





Voilà un roman qui a attiré ma curiosité dès son annonce. Déjà parce que j'aime bien Patrick McSpare, mais surtout parce que connaissant l'auteur j'étais très curieuse de découvrir un roman "non historique". Patrick McSpare est un dingue d'histoire et ce n'est rien de le dire. On ressent cette passion dans ses écrits. Évidemment Merovingiens, mais aussi dans Les Hauts-conteurs ou les héritiers de l'aube (voir les liens de toutes les chroniques à la fin de celle-ci). Alors quand l'annonce est tombée d'un roman actuel et fleurtant avec le paranormal, ma curiosité a été éveillée!

Cette fois le récit est bien ancré dans notre époque. Harley King et son compère Nosfe sont deux détectives de la côte ouest américaine. Pas tout à fait des détectives classiques puisqu'ils sont spécialisés dans le paranormal. Ils enquêtent sur tout ce qui est bizarre et non expliqué. En général ils arrivent à mettre en avant les supercheries qui expliquent ces phénomènes. Ils rencontrent Jade, une spécialiste des manifestations paranormales, ou plutôt c'est elle qui les poursuit parce qu'elle a une petite idée de leur nature.  De leur nature ? me demandez-vous. Oui parce que Harley et Nosfe ne sont pas tout à fait des détectives comme les autres ...

Leur réputation commence à les précéder et c'est ainsi qu'ils se retrouvent à Berlin sur une grosse enquête. La douairière d'une famille très riche les appelle au secours car une entité s'en prend à sa famille et en tue les membres les uns après les autres dans leur manoir ancestral de Berlin. Un Doppelgänger (si vous avez regardé "How I met your mother", vous saurez que c'est un mot allemand utilisé aussi en anglais et qui signifie "sosie" ou "double") et celui-ci n'est pas là juste pour le fun. Loin de là ...

En enquêtant sur ces meurtres, Harley, Nosfe et Jade vont mettre à jour des histoires pas jolies jolies sur la famille. Mais ils vont aussi risquer leur peau.

Alors le premier avertissement que je vais donner, c'est que ce roman n'est pas un livre jeunesse. Du tout ! Ce n'est pas Aelfic ou les hauts conteurs. Les meurtres sont violents et les histoires cachées dans les placards de la famille sont sordides. Je reconnais en avoir été la première surprise car naïvement j'ai associé le couple McSpare/Scrineo à du jeunesse. Ça n'en est pas et ça n'a pas été pour me déplaire.

Mon deuxième avertissement serait "ne vous fiez pas au premier chapitre". Allez savoir pourquoi, j'ai eu du mal à accrocher à ce fichu premier chapitre, à ces noms bizarroïdes portés par les héros et à leur essence même. J'ai même eu peur que le roman ne me plaise pas, et puis le temps d'y penser j'en étais au deuxième, puis au troisième puis ...puis j'ai totalement oublié mes doutes, tellement plongée dans le récit que j'en ai dévoré la moitié sans relever le nez.

Harley King est un thriller, mêlant action, enquête et fantastique avec un fort apport d'adrénaline. Aucun temps mort, des squelettes dans tous les placards, des victimes à tous les étages et des coupables présumés façon "Dix petits nègres". Le tout est servi sur un plateau par deux héros qui n'ont pas froid aux yeux et qui ont un sens de l'humour à toute épreuve. Quant à Jade, elle est l'indispensable lien avec l'au-delà.

Frisson, suspense et imbroglio sont au rendez-vous de ce roman fort bien troussé de Patrick McSpare. On en attend d'autres, bien évidemment et j'espère que ce sera le cas. Je ne peux que vous inviter à découvrir cette autre facette de l'auteur, surtout quand on sait à quel point il est impliqué dans le récit (private joke pour les lecteurs only).




Les romans de Patrick Mc Spare chroniqués sur Bookenstock:



mercredi 24 octobre 2018

UN GRAND FEU DE JOIE - Partie 5/5








Partie 5/5






― Passe par cette fenêtre.

― Toi d’abord.

Les yeux de Malek se remirent à briller d’effroi. Hert et lui venaient de se précipiter dans la chambre du lèniste. Comme annoncé par les soldats, l’échelle de corde était bien en place. Ils l’avaient accrochée solidement à l’un des barreaux du lit. À présent, elle pendait le long du mur de la tour. À l’extérieur, la forêt étendait ses ombres. Dans le lointain, quelques oiseaux nocturnes hululaient.

― Tu veux que je descende le premier pour mettre le feu ?

― Non, Malek ! Par l’Enfant maudit, je…

Un coup lourd les fit sursauter. Quelque chose de tranchant venait de s’écraser contre la porte au niveau de la poignée. La poutre de protection tressauta et un éclat de bois vola à travers la bibliothèque. Hert se figea. Malek se souvint qu’il avait connu le jeune soldat quand il n’était qu’un nourrisson et qu’il l’avait vu faire ses premiers pas : il l’empoigna par les épaules.

― Vas-y. Maintenant !

Hert, soudain très pâle, semblait avoir cessé de réfléchir. Il obtempéra comme un homme envouté et passa par-dessus la balustrade de la fenêtre en s’accrochant aux barreaux. Quand ses pieds touchèrent la pierre du mur, il parut revenir à lui. Ses yeux se levèrent vers l’ouverture. Le prêtre avait fait volte-face. Il regardait en direction de la porte.

― Malek, tu…

Un deuxième coup entailla le bois. Cette fois, une planche tout entière se fissura.


Par le sang des dieux…


… ce qui se trouvait derrière le battant était doué d’une force phénoménale.

― Descends ! cria le lèniste.

Il vit la tête de Hert disparaître et s’apprêtait à enjamber à son tour la balustrade quand l’obstacle derrière lui céda.




***




Il n’avait pas fallu plus de deux coups pour faire sauter la poignée. Au troisième, l’acier de la hache sectionna la planche. Elle s’abattit à l’intérieur de la pièce close. Le guerrier se pencha légèrement. Il y avait une poutre de protection, comme il l’avait deviné. Mais à présent, il était facile de glisser sa main de l’autre côté et de la faire basculer au sol. Cela ne lui demanda que quelques secondes. Il hésita un instant : il y avait eu ces cris… Y aurait-il de la résistance ? Son instinct lui murmurait que non. Sans perdre plus de temps, il poussa ce qui restait de la porte et entra.




***




Par le royaume de l’enfant maudit.

Malek s’immobilisa.

La chose face à lui était une montagne de muscles recouverts de peau verte. Une sorte de tunique – un curieux entremêlement de cuir et de métal – protégeait son torse, et de longs cheveux noirs tombaient sur ses épaules. Il portait une hache gigantesque, grâce à laquelle il venait sans doute de briser si facilement la porte. Malgré l’obscurité, le lèniste distingua deux dents qui sortaient de la partie inférieure de sa bouche et remontaient vers des lèvres épaisses. Et surtout…


… ses yeux.


Ils brillaient comme deux lucioles monstrueuses et paraissaient interdire à la nuit de tomber totalement. L’être fit un pas dans la pièce en direction de Malek. Hypnotisé, le prêtre contempla la lourde hache puis les yeux jaunes. Il y lut une lueur amusée.




***




Le guerrier se retint d’éclater de rire. Même à demi masqué par l’obscurité de cette pièce, le petit onsan avait l’air ridicule.


Tant de précautions pour ça.


Un instant, il eut la tentation de plonger sur lui et de séparer sa tête de son crâne d’un coup de hache. Mais il se contint quand il aperçut l’habit de l’occupant des lieux. Les hommes de foi de ces contrées se couvraient de cet étrange vêtement qui courait autour de leur corps et restait en place au moyen d’une ceinture. Cet être minuscule propageait certainement la parole des dieux locaux.

Depuis le débarquement de la Horde à l’ouest de ce continent, le jeune éclaireur s’était souvent demandé à quoi ressemblaient les divinités des onsan. Il n’avait obtenu que des réponses partielles. Manifestement, ils priaient trois entités. À en croire les symboles qui les entouraient, elles symbolisaient la force, la sagesse et le travail. À cet égard, il n’avait pu s’empêcher d’opérer une comparaison avec son peuple. Bien entendu, le culte d’Ekar, le guide des guerriers, était important, surtout en ce moment. Mais ceux de sa race qui négligeaient le labeur quotidien ou agissaient en chiens fous ne pouvaient se présenter sereinement devant les dieux de l’Ak. La ressemblance avec la religion des onsan était curieuse.

L’éclaireur fit un autre pas en avant. En quoi croyait ce petit homme ? À cet instant précis, qu’espérait-il ? Fuir et vivre ? Être admis dans son Ak ? Peut-être, et qu’importait. Au sein de la Horde, le culte et ses représentants étaient sacrés. Il était entré dans cette pièce pour chercher des vivres et ramener des scalps de soldats. Il ne prendrait pas la peau chauve du crâne d’un ennemi qui ne combattait pas. Cela ne lui apporterait aucun prestige parmi les siens. Au contraire : ils le railleraient. Et quelque chose au fond de lui soufflait que ses propres dieux s’en trouveraient contrariés. Réserve tes coups à tes égaux, disait un dicton. Il avança de trois pas de plus et aperçut la fenêtre dans le dos du petit être. Sans doute prévoyait-il de fuir par là. Le guerrier se contenta de grogner en désignant l’ouverture.


Je ne te ferai pas de mal. Sauve ta vie.


Mais l’homme face à lui ne réagit pas comme il s’y attendait.




***




Malek ne tremblait pas. À cet instant, il comprenait la terreur de celles et ceux qui avaient croisé la route des orcs et les légendes terribles qui entouraient l’envahisseur. Pourtant, contre toute attente, il ne ressentait pas la moindre peur.


Il n’a pas fait le geste de m’attaquer.


D’une manière ou d’une autre, le guerrier savait que le lèniste ne représentait pas une menace. Et il y avait quelque chose d’autre. Quelque chose qui faisait bouillonner l’esprit de Malek et qui le poussa à faire un pas hors de sa chambre, vers l’intérieur de la bibliothèque. Face à lui, l’orc ne fit pas un mouvement. Si le déplacement l’avait surpris, il n’en laissa rien paraître. Très lentement, le prêtre avança jusqu’au milieu du scrimvero. Il contourna le tonneau de poudre entreposé par les soldats, puis il se baissa. Et cessa un moment de regarder la Peau-Verte.


Tu dois être fou. On a peur devant l’ours et la hyène des montagnes. On fuit, c’est ce qui nous garde en vie.


Mais, pour impressionnant qu’il fût, l’être face à lui n’avait rien d’un animal. Tout au contraire, il était doué de raison. Malek l’avait compris en discernant l’hésitation de l’orc à son entrée dans la pièce. À présent, le prêtre ressentait… une furieuse curiosité. Un bref moment, il songea à ces récits de marins et de marchands sur les Peaux-Vertes, et à la manière dont ils décrivaient ce peuple rugueux et taiseux.


Tu n’es pas seulement un loup enragé. Tu es plus que ça. Nous sommes tous plus que ça.


Ils étaient ennemis, indiscutablement. Mais à cette minute, peut-être pouvait-il y avoir une forme de trêve. Malek le vérifia en saisissant au sol l’ouvrage qu’il rédigeait sur l’histoire d’Olangar. Il n’était pas achevé. Mais cela importait peu. Le lèniste se redressa. Il respira longuement en serrant le livre contre sa poitrine. À travers sa bure, il sentit presque le contact réconfortant des pages. Puis il avança tout droit vers l’immense masse de muscles.




***




Il ne remua pas. À ce jour, aucun onsan ne s’était comporté de la sorte, et cela le paralysait. En cas d’incompréhension, ceux de son peuple conseillaient de ne pas bouger et d’observer. Quand l’étrange religieux arriva à sa hauteur, il fit ce qu’on lui avait appris et ne broncha pas. Simplement, ses yeux croisèrent ceux de l’occupant des lieux, et le temps sembla se suspendre. Enfin, le petit homme lui tendit l’objet qu’il tenait. Le guerrier eut une brusque appréhension. Tout cela n’était pas normal. Pas… logique.

Il eut la tentation d’abattre sa hache. Mais encore une fois, il y eut ce souffle, cette réprimande presque douce de sa conscience. Quand on se présentait devant les dieux de l’Ak, ceux-ci mesuraient votre valeur et pesaient vos fautes. À cette seconde, l’éclaireur avait le sentiment que tuer l’onsan lui coûterait très cher au moment suprême. Et il ressentait autre chose. Il voulait… savoir. Oui, c’était cela. Comprendre ce qui motivait le geste de l’homme de foi. Et quelle autre solution que d’accepter ?

Dans le noir, la main du guerrier s’avança et rencontra presque celle du religieux. Ses doigts se posèrent sur l’offrande.




***




― L’histoire du royaume, murmura Malek. Peut-être qu’un jour, tu connaîtras assez notre langue pour lire cet ouvrage.

Il n’ajouta rien. Face à lui, l’orc ne bougeait toujours pas. Il dressait le livre devant lui comme un bouclier. Enfin, il grommela quelque chose. Ce n’était plus un simple grognement. Même si Malek était incapable d’en saisir le sens, il savait qu’il s’agissait de mots. La voix était rauque, grinçante. Mais le ton ne portait rien de menaçant.

L’orc éleva le bras en direction de la fenêtre. Cette fois, Malek comprit. Sans cesser de regarder le guerrier, il recula jusqu’à se retrouver de nouveau dans cet espace qui lui avait servi de chambre tant d’années. Quand il heurta la pierre, il se retourna. Une seconde, il fut tenté d’avertir l’orc.


Prenez garde à la poudre.


Mais il n’aurait pas su se faire comprendre. Pour cette fois, tout devait s’arrêter là. Le lèniste enjamba la rambarde de la fenêtre. Il s’accrocha aux barreaux de l’échelle de corde, fit passer son corps à l’extérieur de la tour et entreprit de descendre. À cet instant seulement, il s’aperçut qu’il tremblait de tout son corps, comme si la peur reprenait ses droits.




***




Hert ne s’était pas résolu à filer, malgré ces secondes d’attente qui lui semblaient des siècles. Enfin, il aperçut au-dessus de lui la silhouette de Malek. Le lèniste descendait maladroitement le long de la tour. Le locanentes fut tenté de crier. Accélère donc, maudit prêtre ! Qu’est-ce qui te retenait là-haut ? Il songeait aux mots de Merillac.


Je ne veux pas que ma fille soit veuve à vingt ans.


Et il pensait à elle. Sa femme, qui l’attendait quelque part sur les monts du Sommeil avec le reste de la population d’Enguerrand, dans l’une de ces tentes de fortune que le seigneur avait fait dresser. Mais Hert se contint. Il ne cria pas. Il patienta dans la nuit qui, désormais, entourait la maison forte, sans élever la voix. Hurler à cet instant était le meilleur moyen d’être repéré. Enfant maudit, il perdait la tête, il ne raisonnait plus comme un soldat.

Enfin, Malek toucha terre. Hert remarqua son extrême pâleur, mais aussi un sourire curieux sur son visage. Des spasmes agitaient les mains du lèniste. Le locanentes aida le prêtre à faire quelques pas.

― Qu’est-il arrivé ?

Ils s’éloignaient de la tour, de plus en plus vite. Soudain, l’homme de foi s’arrêta et regarda vers la fenêtre.

― Tout va bien, murmura-t-il. Tout va probablement mieux que tu le crois.




***




Resté seul, le guerrier commença par regarder tout autour de lui. En entrant dans la pièce, il avait concentré toute son attention sur le petit homme. À présent, il prenait conscience de ce qui l’entourait. Il savait quels étaient ces objets. Il en connaissait l’usage. Cela avait la même fonction que les tërsom, ces parchemins très longs qu’utilisaient certains membres de la Horde pour garder des traces de la grande invasion. Dans les Hauts Lieux, il se trouvait quelques érudits que certains chefs de clan faisaient travailler pour eux : les écrits aidaient à administrer correctement les terres, à faire connaître la loi et à conserver le passé.

Il regarda ce qu’il tenait entre les mains, puis les étagères autour de lui. Administrer les terres, faire connaître la loi, conserver le passé…, sans doute était-ce aussi la fonction de cet endroit. Et sans doute l’homme de foi était-il chargé, en plus de ses autres attributions, de le garder intact. Ses yeux tombèrent de nouveau sur l’objet que lui avait tendu son étrange ennemi. Il reconnut l’emblème de ce royaume. Cet ouvrage contenait certainement des informations sur cette vaste contrée. Ses fondateurs, ses règles…, son histoire ?

Il souleva la couverture de cuir et fit défiler plusieurs pages. Ces signes lui étaient inconnus, bien entendu. Du reste, il ne faisait pas partie de ceux que l’on instruisait : les guerriers n’avaient pas besoin de savoir lire, et il ignorait l’usage des écritures de sa race. Malgré lui, il grogna. Face à l’ouvrage, pour la première fois de sa vie, il éprouvait quelque chose qui ressemblait à de la frustration. Il aurait voulu…


… comprendre…


… être en mesure de déchiffrer ces traits noirs réguliers. Ainsi, peut-être aurait-il quelques indices sur l’attitude du petit homme.


Il n’a pas eu peur. Il m’a approché…


… pour lui remettre cette chose dont il ne pouvait rien faire. De nouveau, il eut un geste de rage. Il fut sur le point de jeter l’ouvrage au sol et de dévaster les étagères. Et…

… ses yeux tombèrent sur le tonneau.

Il savait ce qu’il contenait : cette poudre noire que les onsan utilisaient pour certaines de leurs armes. La Horde disposait d’un composant similaire, quoique moins efficace, dont les guerriers se servaient peu. Il comprit ce qui se tramait ici. Quelqu’un avait installé cela pour provoquer une explosion. Le tuer. Tuer plusieurs de ses camarades. Pour une raison mystérieuse, cela ne s’était pas passé ainsi. Personne n’avait mis le feu à cette traînée de poudre discrète au sol.

Cela faisait trop de choses. Trop d’interrogations. Le guerrier ferma les yeux et intima à son esprit de faire silence. Puis il s’avança jusqu’au milieu de la pièce, s’empara du tonneau, et s’en retourna vers la porte. Il n’y avait rien d’autre ici. À défaut de nourriture, il ramènerait au moins l’explosif noir aux siens et cela pourrait s’avérer très utile plus tard. Quand il atteignit le bas des escaliers, il se rendit compte qu’il avait conservé l’ouvrage : sans vraiment savoir pourquoi, il l’avait rangé entre sa peau et les plis de sa cuirasse.




***




Hert et Malek eurent besoin de plus de six heures pour atteindre le col des monts du Sommeil. Ils avaient trouvé le cheval au pont des daims. Dans un premier temps, ils s’étaient mis en selle tous les deux et avaient lancé la monture au galop pour s’éloigner le plus vite possible de la maison forte. Puis ils s’étaient relayés afin de ne pas épuiser la bête : l’un marchait tandis que l’autre restait sur le dos de l’animal.

Ils traversèrent la forêt d’Engre en suivant les sentiers indiqués par Merillac. Malgré l’obscurité, ils parvinrent à ne pas se perdre. Enfin, la plaine s’ouvrit devant eux. Derrière, la montagne s’élevait, silencieuse et majestueuse. Elle était aride. La vie, ici, se faisait discrète. Les monts ne pourraient pas abriter très longtemps toute la population d’Enguerrand. Il fallait espérer que cela ne dure pas plus de quelques jours : les hommes et les femmes ne tiendraient pas davantage.

Le soldat et le lèniste progressèrent encore plusieurs heures. Ils atteignirent finalement le col qui donnait sur le plateau où Hémon d’Enguerrand avait provisoirement installé les habitants de ses terres. Quelques buissons s’étendaient là, desséchés par les premiers vents hivernaux. D’énormes blocs de rocaille blanche paraissaient les cerner pour mieux les étouffer. Le sentier glissait entre les pierres monstrueuses et disparaissait dans les hauteurs des Monts. Au pied des fougères se trouvait un homme assis. Il attendait devant un feu qu’il avait ravivé de nombreuses fois avec du bois mort. C’était Merillac.




***




Quelques heures plus tard, alors qu’ils avançaient sur le chemin pentu et atteignaient un promontoire naturel qui dominait toute la vallée, une forte lueur dans leur dos les surprit. Elle lançait ses éclats jusque sur la roche du sentier. Ils se retournèrent. Dans le lointain, ils aperçurent le feu. L’intensité des flammes ne laissait pas de doute. La place des Enguerrand brûlait. Ses étables brûlaient. Sa tour brûlait. Hert coula un regard discret à Malek.

À son côté, le prêtre s’était figé. Il pleurait.




***




Les éclaireurs de la Horde s’étaient éloignés du lieu incendié. Ils ne festoyaient pas devant les flammes. D’abord, ils n’avaient pas trouvé de quoi faire ripaille : les habitants avaient tout emporté, ou presque. Ensuite, ils avaient l’habitude de la destruction par le feu. Celle-ci était systématique : elle contribuait à intimider l’ennemi et à distiller la peur. Au départ, peu après le débarquement, les guerriers avaient poussé des cris de joie face aux bâtiments réduits en cendres. À présent, ils n’y attachaient plus aucune importance. À l’écart de la tour et des murailles, ils avalaient mollement leur ration, déçus de ne pas avoir trouvé le moindre tonneau de ce liquide que les onsan appelaient « bière noire ».

L’avant-garde serait là dans quelques heures. Puis le restant de la Horde arriverait et l’on pourrait reprendre la marche. Il se disait que Kantral voulait remonter au nord, vers la capitale des hommes, afin de finir cette guerre au plus vite. Alors tous rentreraient au pays auréolés de gloire. Mais pour l’heure, ils n’étaient qu’une dizaine d’éclaireurs frustrés par l’absence de combat et sans le moindre butin à présenter à leurs camarades. Ils ne se parlaient pas. Ils tournaient le dos à la maison forte, indifférents.

Un seul gardait les yeux fixés sur la tour. Le feu avait crevé les fenêtres. Il léchait les murs de pierre. D’ici quelques minutes, sans doute, l’ensemble s’écroulerait dans un bruit lourd. Le guerrier respira profondément. Il songeait à ces objets qu’il avait vus à l’intérieur. Il pensait au papier et au cuir dévorés par les flammes. Au bout de quelques minutes, il constata qu’il ressentait de la tristesse. Une curieuse forme de tristesse, qu’il n’avait jamais expérimentée auparavant.

Les dieux ne le priveraient pas de l’Ak pour cela. Bien sûr que non. Mais, sans savoir pourquoi, il les imaginait soupirant et le regard vide quand ils examineraient ce moment de sa vie.




***




L’avant-garde des orcs arriva au petit matin. De la maison forte, il ne restait plus que des cendres et des pierres noircies.

Aucun des guerriers ne fit attention à ce petit monticule de cailloux au pied de l’un des arbres à l’entrée de la place. Il était bien visible pourtant, comme si celui qui l’avait édifié tenait à ce que l’on remarque son ouvrage. La roche masquait un trou de quelques centimètres. 



Celui qui l’avait creusé y avait aussi déposé quelque chose : un livre, soigneusement entouré dans un morceau de tissu dégoté quelque part dans la grande demeure.



FIN



Un immense merci à Clément et Critic pour cette primeur,
car oui, vous l'avez compris, cette nouvelle était inédite encore !


Bientôt un lien pour la lire en entier, 
avec une mise en page plus sympathique qu'avec Blogger !



mardi 23 octobre 2018

[BD] L’ARABE DU FUTUR 4 de Riad Sattouf


Tome 4  

Une jeunesse au Moyen-Orient (1987-1992)


Roman Graphique
288 pages | 170 X 240 mm |
25,90 € 
En librairie le 27 septembre 2018




Ce quatrième tome du succès mondial L’ Arabe du futur couvre les années 1987-1992.

Âgé de neuf ans au début de ce volume, le petit Riad devient adolescent. Une adolescence d’autant plus compliquée qu’il est tiraillé entre ses deux cultures – française et syrienne – et que ses parents ne s’entendent plus. Son père est parti seul travailler en Arabie saoudite et se tourne de plus en plus vers la religion… Sa mère est rentrée en Bretagne avec les enfants, elle ne supporte plus le virage religieux de son mari. C’est alors que la famille au complet doit retourner en Syrie…

  • Dans le premier tome (1978-1984), le petit Riad était ballotté, de sa naissance à ses six ans, entre la Libye de Kadhafi, la Bretagne de ses grands-parents et la Syrie de Hafez Al-Assad.
  • Le deuxième tome (1984-1985) racontait sa première année d’école en Syrie.
  • Le troisième tome (1985-1987) était celui de sa circoncision.
Ce quatrième tome, exceptionnel par son format (288 pages) et par ce qu’il révèle (le coup d’État de son père), est le point d’orgue de la série.

La série L’Arabe du futur est traduite dans 22 langues.






Voilà une série, voire même LA série qui met tout le monde d'accord à la maison. Acheté bien évidemment le jour même de sa sortie, nous nous sommes tous rués dessus et chacun a pris sa "journée" pour lire ce gros pavé de plus d'un kilo!

Riad a maintenant 10 ans et il va à l'école en France, dans cette belle région du Cap Fréhel où habitent ses grands parents. Sa mère a décidé de rester dans sa région natale et n'a pas voulu suivre son mari en Arabie Saoudite où il enseigne en ce moment. Elle ne veut pas être une femme soumise et obligée de suivre des préceptes qui ne lui conviennent pas. Alors Riad et ses 2 frères vivent avec leur mère en Bretagne.

Plusieurs choses vont bouleverser la vie de Riad. Déjà, il ne voit plus beaucoup son père, il doit aussi s'habituer à un nouveau type d'école dans laquelle il n'est pas forcément le premier. Et puis va arriver le collège avec son lot de vexations en tous genres (Sattouf: la touffe, ma touffe ....), mais aussi les filles. L'adolescence est là. 

Pourtant Riad est toujours un enfant fragile, influençable. Alors quand son père vient et qu'il lui parle de sa vision des arabes, des français ou des juifs, on le sent perdu. Puis le retour en Syrie pour voir sa grand-mère malade. L'insistance du père pour qu'ils vivent ensemble en Syrie ou en Arabie Saoudite. La maladie de sa mère. Et puis le point final de cet opus, la claque qui vous scotche, vous cloue sur votre chaise. Une histoire si lourde à porter.

Plus Riad grandit et plus sa jeunesse est difficile, mais toujours son histoire est racontée avec la vision de sa jeunesse. Sans jugement, sans rancoeur et avec beaucoup de candeur. Malgré la lourdeur extrême du sujet, on a l'impression que tout est léger, presque drôle. 

Ce récit de la vie de Riad Sattouf vous laisse la gorge nouée. Comment ce monsieur si charmant, si abordable peut-il avoir eu cette vie ? Quelles expériences !!! Il a clairement su en tirer tout le meilleur. 

Je crois bien que je serais incapable de lire ce récit sous la forme d'un roman "classique", trop lourd, trop dur, mais sous forme graphique, avec ce dessin si caractéristique de Sattouf, tout passe. On se sent tout autant touché, blessé ou atterré, mais un soupçon de légèreté permet faire passer le message.

L'arabe du futur, c'est juste la meilleure BD que j'ai jamais lue. Une BD qui vous plonge dans un monde méconnu (Syrie, Lybie ...) , vous pousse à chercher plus loin et provoque en vous des tourbillons de sentiments comme jamais. Un must, vraiment. Monsieur Sattouf, je suis vraiment éperdue d'admiration.




lundi 22 octobre 2018

SÉNÉCHAL III de Grégory Da Rosa






Éditions Mnémos
312 pages
19,50 euros


4ème de couv :

« Aimeriez-vous vous confesser, mon fils ?
— Je ne le veux pas, monseigneur. »

Le froid… toujours le froid. Est–ce la fin ? Nos ennemis ont-ils eu raison de nous ? Il y a une chose que je sais : l’espoir, la loyauté, l’amour, la foi… rien de tout cela ne pourra plus nous sauver.

Alors que l’empereur Lysander de Castlewing et le séraphin Démosthène assiègent toujours la cité, Philippe Gardeval est emprisonné et relevé de sa charge. Le roi est persuadé d’avoir trouvé son traître et le sourire de la victoire orne maintenant les visages de ceux qui souhaitaient la chute du sénéchal. Basse politique ou véritable trahison ? Violence, regrets, haine, amour, les personnages de Grégory Da Rosa n’auront jamais été aussi humains, touchants et détestables.








Voilà une semaine que j’ai fini ce tome 3 et je sèche complètement à chaque fois que je m’installe devant mon cahier de chroniques pour en parler, alors même que j’ai adoré ma lecture.

Seulement voilà, il va falloir que je vous parle de Philippe Gardeval… Et ce, entre quat' zyeux : Il est… Argh non, c’est impossible. Je ne peux pas. Je n’accepte pas. Sieur Grégory vous êtes un fourbe, un vil personnage ! Je vous associerais bien au sénéchal tiens, si ce n’est que vous n’avez ni la goule cabossée, ni le nombre d’années requis. Je vous collerais bien au cachot aussi, là même où nous retrouvons notre sénéchal.

Il est toujours le narrateur et c’est ainsi que le décompte des chapitres devient flou : Jour inconnu. Des paragraphes également : Heure inconnue.… Or pendant qu’il fait semblant de se morfondre sur son infâme paillasse grouillante de vermines, il continue à tirer les ficelles, tout sale et tout crotté qu’il est. C’est encore avec beaucoup de cartes en main pour se défendre qu’il va aller à son procès. Et je vous promets, chacune de ses cartes dégainée est un véritable coup de théâtre. Alors que nous lecteurs, qui avons assisté à la fin du tome 2, on l'y aurait bien laissé dans son cachot. Mais il a réussi le tour de force de reprendre les preuves qui l'accablaient. Bref un fieffé roublard… Et c’est là que la magie Da Rosa reprend. Car on se remet à espérer qu’il s’en sorte ce sénéchal, qu’il soit enfin reconnu à sa juste valeur par le roi Édouard. Plus il y a de charges contre lui et plus l’empathie qu’on éprouve se renforce. Je ne comprends pas !

Édouard, notre roi sanguin qui s’énerve et n’arrive pas à trancher entre son sénéchal et son chancelier, invoque l’ordalie par duel judiciaire. L’un et l’autre étant trop vieux, ce sont les fils qui vont jouter à mort. Quelle plume mes amis ! Comme sieur Cerruti, sieur Da Rosa m’a fait vibrer pendant des pages lors de ce tournoi alors même que je n’aime pas ces duels montés. Quel carnage ! Et ne comptez pas sur moi pour vous dire lequel des deux a vaincu… En attendant, en côtoyant Edouard, on enrichit considérablement nos connaissances en jurons.

Lysimaque est toujours assiégée par l'ost castellois, l'ost méronnien toujours au loin et les intrigues politiques foisonnent. Philippe Gardeval évolue dans ce véritable panier de crabes, à l’aise , retournant sa veste quand il faut, évitant les chausses-trappes et tirant inlassablement les bonnes ficelles.

Alors que nous étions bien ancré dans un récit purement médiéval, l'auteur s'engouffre dans la part fantastique du récit en faisant intervenir dans le conflit une armée d’anges ! Mais ce que j’ai le plus adoré, c’est lorsque l’auteur met en place une nouvelle fois la magie de Gilmenas. Il nous avait déjà tronçonné à l’horizontal la moitié de l'ost castellois sur des lieux à la ronde autour des remparts de Lysimaque n’est-ce pas ? Si ce que je viens de dire ne vous parle pas, c’est que vous n’avez pas lu le tome 2 vous ! Ce que le mage va faire dans la Chapelle-Inverse du tome 3 est juste ÉNORME ! Je peux vous dire qu’on entre en plein dans la Fantasy et ce passage est OUFISSIME, GRANDIOSE !

On va également assister telle une parenthèse à la genèse de cet univers. Plat je vous rappelle, ce monde est plat et bordé par le Grand Vide. L’imagination de l’auteur se déchaîne sur la fin de cet opus et laisse entrevoir une infinité de possibles encore à exploiter... et je m'en régale d'avance !

Quant à la fin… je la tairai car si je commence à m’épancher je vais en mettre des pages et des pages, à ne plus pouvoir m’arrêter. Et pourtant je peux vous dire que ça me titille sérieusement. Alors dépêchez-vous de le lire qu’on puisse débattre à l’écart des oreilles vierges de connaissance de ce tome 3. Il y a largement matière je vous promets. Quant à l’auteur, je lui conseille fortement de raser les murs en salon !
Ah si, je peux quand même vous dire que c’est une vraie fin. Ici s'achève cette trilogie. Diantre, que je l’ai aimée ! Trois tomes, trois énormes coups de coeur !!!


vendredi 19 octobre 2018

Interview participative de CLÉMENT BOUHÉLIER # 4



Les précédentes pages :










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XL

Surtout n'écrivez pas pour la jeunesse, les ados ou les YA, il me semble qu'on est submergés de titres alors que la bonne SFFF adulte est plus rare, je suis avec intérêt le jeu des questions-réponses de cette interview et je n'en conclus qu'une chose, je vais approfondir ma connaissance de vos univers et lire Chaos... mais je pense que Torgend et Evyna n'ont pas dit leur dernier mot et que des personnages secondaires ont eu aussi des aventures à vivre! merci 


Clément:

Bonjour... et merci, je retiens le conseil ! Je suis ravi par ailleurs que vous ayez envie de découvrir mes bouquins. Quant à Torgend, Evyna et quelques autres, je vous confirme bien volontiers que leurs aventures ne sont pas terminées : Olangar est loin d'être un havre de paix... ;)






Bonjour Clément, 

J'arrive après le début des hostilités mais je viens de rattraper mon retard. Je vois qu'il y a déjà eu des questions et des réponses très intéressantes ! J'ai été très ravie de faire connaissance avec ta plume et tes univers dernièrement au travers de Passé déterré et Olangar. 

Même si du coup comme tu le soulignes dans une réponse ici tes romans ont tous une base assez thriller, as-tu préféré explorer ces enquêtes dans le monde réel ou dans l'univers de fantasy qui, peut-être (ou pas) laisse plus de liberté ?

Je rebondis aussi sur le métier de ta compagne qui me touche puisque je travaille moi-même dans l'environnement. Comme Olangar est assez engagé du côté politique, est-ce que la thématique environnemental (qui est aussi politique pour le coup) t'inspirerait pour un prochain roman ?



Clément:

Bonjour,

D'abord, merci beaucoup des très belles chroniques ;)

Concernant ta première question, clairement, j'ai adoré développé une enquête dans le monde d'Olangar, précisément parce qu'on peut y glisser les éléments que l'on veut et grossir certains traits, ce qui ne serait pas possible dans le réel. Par exemple, la thématique de la conquête de droits sociaux m'intéresse et j'avais envie de la mettre en scène de manière "grandiose". Bien entendu, il aurait été possible de le faire dans un cadre "réel". Les exemples en ce sens ne manquent pas, en particulier en France (après tout, on ne nous a pas donné "gratuitement" l'ensemble de nos acquis sociaux). Mais imaginer une lutte sociale de A à Z a ceci de plaisant qu'on peut y placer les personnages que l'on souhaite, et jouer avec tout le décorum" qui l'accompagne : la réaction du pouvoir, les espions, les agents doubles...


Pour ce qui est de la thématique environnementale, elle devait initialement être très présente dans l'intrigue, mais j'ai finalement privilégié l'aspect social. Du coup, c'est en effet quelque chose qui pourrait être réutilisé dans de prochains livres de cet univers. Je ne peux pas en dire plus pour le moment mais... clairement, c'est une piste ;)






Bonjour Clément, 
En attendant de recevoir Olangar, peux-tu un peu nous parler de ta routine écriture. Quand est-ce que tu écris? Plutot la nuit, la journée, entre les 2? dans le silence ou en musique? Sur ordi ou sur papier? En grignotant? Et dans un autre registre, quel a été ton parcours entre le moment où tu as écrit ton 1er roman et le moment où tu l'as enfin tenu en main? (l'envois du manuscrit, la réponse d'un édition, as-tu ton mot à dire sur le titre final, sur la couverture?)
j'abuse des parenthèses je sais, j'ai des questions dans les questions et je triche, j'assume ! et du coup on se verra peut être aux prochaines imaginales alors, ça serait cool :)



Clément:

Bonjour et... ah, je vois que les questions intimes reprennent ! Quand est-ce que j'écris ? Eh bien en bon salarié, principalement les soirs, les week-ends et pendant les vacances. Toujours dans un silence absolu, et rarement en grignotant mais en buvant du thé ou du café :) Il arrive que ça me tienne assez tard le soir de temps à autres. Et depuis que j'ai la chance de participer à des salons, je mets le temps de trajet à profit pour travailler sur les intrigues, les plan... Jusqu'à présent, je ne me suis jamais lancé dans un roman sans avoir une trame assez précise de ce qui se passe, du début à la fin. Il m'arrive de "dévier" un peu, mais c'est en générale pour revenir à ce que je souhaitais.



Pour ce qui est du manuscrit, le chemin est assez long en effet ! Comme je l'explique à Dup, il s'est d'abord passé plusieurs mois entre son envoi et la réponse de l'éditeur. Ensuite, il a fallu terminer le roman qui n'était pas achevé (il restait environ un tiers à écrire). Puis il y a eu toute la phase des corrections, d'abord sur le fond (les personnages qui doivent gagner ou perdre en importance, les scènes à ajouter ou à supprimer...) et ensuite sur la forme. C'est un travail assez long, mais extrêmement important et très enrichissant... et dans cette tâche, les Editions Critic sont très bienveillantes.



Vient ensuite le moment du choix du titre : c'est alors une succession de propositions, de débats, d'échanges entre l'auteur, l'éditeur et la personne qui dirige les corrections. Enfin, un illustrateur choisi par l'éditeur fait des propositions et, en effet, l'auteur a la possibilité de faire des retours. C'est pour Olangar que j'ai eu le plus l'occasion d'intervenir, car j'ai eu la chance de voir les premières propositions de croquis.





Hello Clément,

Moi je vais compléter la question de Régina Falange. 
Besançon, Lyon... comment as-tu atterri à l'autre bout de la France aux éditions Critic de Rennes ?



Clément:

Hello Dup ! Eh bien malheureusement, aucune histoire rocambolesque là-dedans. Mais une jolie petite anecdote tout de même, à mes yeux en tous cas. J'en étais aux deux-tiers de Chaos, environ, quand je me suis décidé à tenter ma chance du côté des maisons d'édition de SF et de fantastique. Je ne savais pas trop quoi penser de cette démarche et assez rapidement, je me suis dis que je ne perdais rien à essayer de convaincre un éditeur. En bon enfant de la génération "Google est ton ami", j'ai demandé à notre Big Brother de Mountain View se me sortir tout ce qu'il avait sur le sujet. Et je dois avouer que j'ai découvert pas mal de maisons d'éditions de SF à cette époque. Je n'ai pas fait attention à la localisation géographique.


Le 22 décembre 2013 très exactement (oui oui, je viens de retrouver !), j'ai envoyé un mail au service des manuscrits des éditions. J'ai reçu un mail de réception le 27 décembre et un autre le... 30 octobre 2014 :) Il me disait : "votre manuscrit a retenu l'attention d'un des membres de notre comité de lecture". Ce qui m'a fait bondir de joie, comme tu imagines. Ce membre était une dame qui a été par la suite ma directrice de correction pour Chaos et sans qui le manuscrit ne serait pas devenu un roman, j'ai eu beaucoup de chance... et si elle lit ces lignes et se reconnaît, qu'elle sache que je la remercie encore :)



Phooka :

Bonjour Clément,

Quels sont tes 5 romans préférés (tous genres confondus)
Quels sont tes 5 romans préférés en fantasy
Quels romans conseillerais tu à quelqu'un qui n'a jamais lu de fantasy et qui souhaite découvrir le genre?

(Ouais je sais plus bateau que ça tu meurs, mais parfois ça permet de découvrir de chouette romans, histoire de faire grandir un peu notre PAL :) )

Clément :

Hello Phooka. Ah, la terrible question ! Pour un peu, je me mettrais à crier : Ô rage, Ô désespoir ! Quoi, je suis donc condamné à choisir... à sélectionner... Bon. Soit. Mais je triche alors. D'une part – et même si cela vous semble absurde – je ne pourrai répondre à votre demande sur les livres de fantasy. Car j'en ai trop peu lu. Mon avis ne vaudrait rien. Ensuite, je ne vais pas vous donner 5 romans de SF et 5 autres romans... non, je vais vous donner tout simplement 10 romans, car je milite pour que l'on arrête avec la séparation. Et tiens, allez, petit challenge personnel : je vous glisse dans cette liste quelques romans reconnus comme des classiques, dans lesquels se glisse le fantastique ! Deal ? On y va...


Les Misérables : pour la puissance sociale du récit, pour la lutte des étudiants républicains contre la monarchie, pour la formidable rédemption de Jean Valjean, pour l'amour que Victor Hugo clame à l'attention de l'être humain, pour son plaidoyer en faveur d'une société plus juste, plus égalitaire, plus instruite. Le plus grand roman que j'ai lu à ce jour, indétrônable,

Ruy Blas : eh oui, j'assume un second Victor Hugo dans cette liste ! Je n'y peux rien, j'adore cette pièce qui brise les canons du théâtre classique. J'adore cette intrusion d'un valet dans le monde des "grands". J'adore l'idée que le "petit peuple" peut s'approcher du pouvoir et contrarier les affaires des rois en demandant un peu plus de justice et de redistribution. Et j'adore le fait que Ruy Blas dépasse sa propre condition et au point d'avouer son amour à une reine. Est-ce qu'on ne frissonne pas, par ailleurs, quand il interpelle les grands d'Espagne avec son mythique "Bon appétit Messieurs !", avant son monologue de dénonciation ?

Le Nom de la Rose : parce que le personnage principal fait passer l'érudition et l'intelligence avant la croyance bête et méchante. Parce qu'à sa manière, il croit en l'Homme. Parce que le récit dégage une force historique incroyable. Parce que c'est un plaidoyer pour l'érudition, pour l'amour du savoir, mais aussi un récit qui montre le danger de vouloir conserver la connaissance pour soi.

Dom Juan : encore du théâtre ? Mais oui, encore du théâtre ! Mais pas n'importe quelle pièce : peut-être la plus étrange et la plus ambigüe de Molière. Certes, son personnage est froid, terriblement misogyne, odieux... Mais il est aussi un dénonciateur formidable des moeurs de son époque et des hypocrisies qui y ont cours. Chaque fois que j'ai eu la chance de voir la pièce, j'ai été subjugué par le monologue de Dom Juan à la fin. Et j'ai beaucoup d'affection pour Sganarelle, le pauvre diable qui finit sans ses gages. On ne me convaincra pas, par ailleurs, qu'il n'y a pas un côté fantastique dans Dom Juan... à moins que la statue du commandeur ne soit que l'émanation de sa propre conscience ?

La Vouivre : la plume de Marcel Aymé, la délicatesse rude avec laquelle il dépeint ses personnages (des paysans du Jura), l'intrusion d'un personnage mythologique dans le quotidien d'hommes et de femmes simples qui réveillent leurs passions et leurs travers... C'est le fantastique mis au service d'une réalité sociale terrible et d'une tragédie.

L'Enchanteur : quand même, on ne pouvait pas faire cette liste sans les chevaliers de la table ronde. J'aime beaucoup la version qu'en livre René Barjavel. L'amour de Lancelot pour Guenièvre, les exploits, les doutes, les interrogations des chevaliers, leur recherche de la perfection et du divin à travers la quête du Graal... avant l'inévitable carnage final. C'est tout ça à la fois.

Vipère au poing : on change de style et on assume ! Hervé Bazin livre un portrait et un procès saisissant de Folcoche, cette mère qui aurait dû l'aimer et qui le déteste. Cette haine-là est cultivée avec raffinement, de manière saisissante. Bazin dresse aussi le portrait de son époque, mais je retiens surtout de son livre la désillusion de l'enfant blessé. La fin est sublime : c'est un clin d'oeil hargneux au début du roman... mais on n'en dira pas plus.

Fahrenheit 451 : un classique, mais Ô combien précieux et atemporel. On ne brûle pas les livres de nos jours, mais on les enterre sous des monceaux de "temps de cerveau disponible". La rebellion de Montag devrait probablement être une nécessité quotidienne.

Le joueur d'échec : une nouvelle ou un roman court, je ne sais pas, que j'ai lu tardivement, où le fantastique s'insinue discrètement. Zweig y dénonce les horreurs du totalitarisme, responsable de l'état de son personnage principal, mais il glorifie aussi, je trouve, les capacités de l'esprit humain. Dans un oeuvre très courte, l'auteur réussit le tour de force de présenter une galerie de personnages fascinants. A dévorer en une soirée.

Messieurs les Enfants : l'écriture de Daniel Pennac est une liqueur savoureuse... et là encore, voici le fantastique qui pointe le bout de son nez ! Certes, c'est pour disserter et pour parler d'enfance, mais quand même. J'adore le personnage du prof, fasciné par la famille. J'adore les réactions des enfants forcés de se confronter au monde des adultes... et inversement, mais je n'en dirai pas plus : mieux vaut que vous lisiez le roman sans spoil :)


En bonus :

La Tour Sombre : vous me demandiez de la fantasy et je vous l'ai dit, je ne suis pas en mesure de conseiller beaucoup de choses... si ce n'est cette immense oeuvre de Stephen King, rédigée sur quatre décennies. Elle raconte, en sept tomes, les aventures de Roland de Gilead et de son Ka-Tet. Mais elle raconte bien plus que cela : c'est une longue histoire de quête vers la rédemption.



Et, en vrac, parce que je continue à tricher, j'aurais voulu sélectionner aussi : Une Vie, Les Trois Mousquetaires, Le Mariage de Figaro, La Promesse de l'Aube, l'attrape-coeur, Shining, Ca, Le Petit Prince, Peter Pan, La Nuit des Temps, La Route, La Guerre des Mondes, Notre-Dame de Paris, Les Thibault, le mythe de Cthulhu, la saga des Malaussène, Antigone...



Sia :

J'enchaîne avec les questions éditoriales. Pourquoi avoir publié les deux tomes d'Olangar en même temps ? (A moins qu'il ne s'agisse de deux volumes du même livre ?) (je vois que c'est un mois d'intervalle, en réalité, mais c'est tellement proche !!)

Clément :

Bonjour Sia !

En effet, j'ai conçu et écrit Olangar comme un seul et unique roman, que l'éditeur a préféré séparé en deux tomes au vu de la longueur (environ 900 pages) : un seul volume aurait pu effrayer certains lecteurs. d'où cette parution presque simultanée. Note qu'au départ, j'avais prévu un roman de 400 à 500 pages... :)




Ramettes :

Bonjour,

Je n'ai pu lire que Chaos 1... le week end dernier j'ai fait le pitch de ton histoire à quelqu'un qui est du côté de Bourgoin... et elle m'a dit : "ça expliquerait bien des choses! Ah ah ah " . Je n'ai pas pu en savoir plus...

Envisages-tu d'écrire une histoire basée sur une autre région française ? ou vas-tu plutôt rester dans le monde imaginaire d'Olangar ? As-tu un planning d'écriture à long terme ?


Clément :

Bonjour !


Alors concernant Bourgoin-Jallieu, j'y ai travaillé un moment et j'ai replacé quelques lieux réels dans Chaos : certaines rues, des places, etc... Si le journal – le Dauphiné libéré – est bien réel, les personnages sont en revanche et évidemment complètement fictif. Leurs fonctions, quant-à-elles, s'inspirent de ce que font réellement des journalistes, des secrétaires d'édition et des correspondants de presse. J'ai également glissé quelques éléments "réels" de Besançon, où j'ai vécu un petit moment, ainsi que de Paris.



Vernay, le village de Passé déterré, est, lui, complètement fictif, même si certains éléments existent bel et bien. Est-ce que j'envisage d'écrire une histoire qui prendrait corps dans une autre région française ? Eh bien oui et pour tout dire, c'est déjà en cours, même si j'ignore encore ce que j'en ferai et si ce sera publié :) Petit indice : cela se passe en région Rhône-Alpes.



Mais ce n'est qu'une petite étape passagère : je compte bien, en effet, revenir assez rapidement dans le monde d'Olangar. Le scénario est en cours d'écriture ;)


Régina Falange :

Bonjour,
Je suis plongée dans la lecture du 1er tome d'Olangar et je me demandais "comment inventer des prénoms/noms de lieux?" sur quoi se baser, une résonance, une étymologie, un prénom "réel" mis à l'envers (tiens c'est une idée ça, si j'étais Elfe je pourrais m’appeler eidolé haha oups je m'égare) un hasard sur le clavier pour que les noms soient imprononçables? Je crois que c'est une question propre à tous les romans de fantasy.

Clément :

Bonjour,


J'utilise en effet quelques "trucs et astuces" pour les noms et prénoms, les lieux, les mots de langue étrangère... Parfois, je modifie un nom ou un prénom connu, je me sers d'un nom de lieu que je "déforme"... Pour Olangar cependant, ce travail était un peu particulier dans la mesure où tout devait être créé à partir de "rien". Il était surtout nécessaire que les noms, prénoms, noms de lieux et autres ne soient pas du hasard pur et fassent écho à certaines connaissances du lecteur.



Ainsi, pour les prénoms et noms du Sud et de certains politiciens, je me suis inspiré de la vieille noblesse française. Ce qui a donné les d'Enguerrand, les d'Alverny... Les Elfes cultivant un certain isolationnisme, j'ai regardé du côté des "insulaires" et je me suis inspiré notamment de l'Islandais pour les noms et certains mots de leur langue. Les Nains étant plutôt "collectivistes", j'ai fait le choix – sans doute un peu contestable et facile ! - de m'inspirer de noms et de prénoms à consonnace de langues de l'est, en particulier le Russe.



Je confirme qu'Eidolé donnerait plutôt bien pour une Elfe :)




Sia :

Eidolé, c'est sympa, on dirait un prénom grec ! En tout cas les sonorités fonctionnent bien :)

Clément :
De nouveau, je confirme, même si ça ne "collerait" qu'à moitié avec mes Elfes :)