lundi 13 novembre 2017

NE FAIS CONFIANCE À PERSONNE de Paul Cleave





Sonatine Éditions
400 pages
21 euros


4ème de couv :

Il y a pire que de tuer quelqu'un : ne pas savoir si on l’a tué.

Les auteurs de thrillers ne sont pas des personnes très fréquentables. Ils jouent du plaisir que nous avons à lire d’abominables histoires, de notre appétit pour des énigmes qui le plus souvent baignent dans le sang. Nous ne sommes pas très raisonnables. Ce jeu dangereux peut parfois prendre des proportions inquiétantes. Leurs ouvrages peuvent nous donner des idées regrettables, favoriser un passage à l’acte aux conséquences funestes. Eux les premiers, qui pensent connaître toutes les ficelles du crime parfait, ne sont pas à l’abri de faire de leurs fictions une réalité.
Prenez par exemple Jerry Grey, ce célèbre romancier, qui ne sait plus très bien aujourd’hui où il en est. À force d’inventer des meurtres plus ingénieux les uns que les autres, n’aurait-il pas fini par succomber à la tentation ? Dans cette institution où on le traite pour un alzheimer précoce, Jerry réalise que la trame de son existence comporte quelques inquiétants trous noirs. Est-ce dans ses moments de lucidité ou dans ses moments de démence qu’il est persuadé d’avoir commis des crimes ? Quand la police commence à soupçonner les histoires de Jerry d’être inspirées de faits réels, l’étau commence à se resserrer. Mais, comme à son habitude, la vérité se révèlera bien différente et bien plus effroyable que ce que tous ont pu imaginer !

L'avis de l'éditeur :

Entre Shutter Island (Dennis Lehane) et Un employé modèle, Paul Cleave signe sans conteste avec Ne fais confiance à personne son chef d’œuvre.






Paul Cleave est un auteur que je n'avais encore jamais lu. La petite phrase de l'éditeur que je vous ai mise après le résumé m'a poussée à remédier à ce manque : si je devais le découvrir, c'était avec ce roman. Et bien c'est chose faite et je ne regrette vraiment pas. Wow, quel roman !

Jerry Grey est un auteur de thrillers connu et reconnu sous son nom de plume Henry Cutter. Sa vie bascule le jour où, invité à un brunch, il s'apprête à présenter sa femme à une de ses connaissances et là, le trou noir. Il ne trouve plus le prénom de Sandra qu'il chérit depuis presque 30 ans. Le verdict tombe rapidement après : Alzheimer. Il a seulement 49 ans.

L'auteur va faire sans cesse le va et vient entre le présent de Jerry, qu'il subit dans ses moments de lucidité, "enfermé" dans une maison de santé, et son passé qui commence le jour du verdict médical. Et dans chaque période, on oscille entre des moments de divagations terriblement réalistes où Jerry s'accuse de tout un tas de meurtres qui sont en fait issus des fictions écrites sous le nom de Henry Cutter, et des moments de lucidité ou il essaye de faire le point sur ce qu'il lui reste de mémoire.

Très vite après l'annonce de sa maladie, il entame l'écriture d'un Carnet de la folie où il s'adresse à son moi futur : Futur Jerry. Où il tâche d'expliquer qui il est pour quand il aura tout oublié à cause de "Capitaine A" comme il surnomme son Alzheimer. Ainsi on apprend qu'il aime tendrement sa femme, qu'ils ont une fille qui va bientôt se marier. Et que les préparatifs du mariage sont accélérés vu l'évolution rapide de sa maladie, afin qu'il soit encore lucide le jour J. 

Mais des meurtres, parfaitement réels ceux là, parsèment Christchurch et l'entourage de la famille de l'écrivain. La police commence à émettre des doutes sur son irresponsabilité, voire même sur le côté fictif des aveux de Jerry.

Paul Cleave nous immerge complètement au coeur de cette maladie et je peux vous dire que le tableau est tout bonnement terrifiant. On sent bien qu'il s'est énormément documenté sur le sujet et son récit s'en ressent. J'ai rarement lu un thriller aussi poignant tant l'empathie qu'on éprouve pour cet homme est immense. Le voir se battre pour retrouver la mémoire, pour se souvenir de son passé ou simplement de ceux qu'il aime ne peut pas laisser indifférent. 

L'auteur prête à son personnage un humour noir très piquant quand il parle de lui dans ses Carnets de la folie. Puis cette plongée dans la paranoïa, évidemment, quand on ne peut même plus se faire confiance, alors aux autres... le titre est on ne peut mieux choisi.

Le sujet choisi par Paul Cleave occulterait presque l'intrigue, mais le conditionnel est bien là. Car cette intrigue est exceptionnelle et son traitement encore plus. Ce mélange entre réalité et fiction, présent et passé est parfaitement maîtrisé. Il embarque le lecteur à fond derrière Jerry et futur Jerry. Il l'enfonce dans des fausses pistes, il l'assomme avec des coups de théâtre pour le laisser pantois et légèrement nauséeux devant cette fin et les dégâts causés par la maladie.

En plus d'être un thriller remarquablement bien mené, avec ce Ne fais confiance à personne l'auteur explore les conséquences désastreuses d'un Alzheimer précoce. Il en profite également pour parler de son métier d'écrivain de genre, pas toujours reconnu, méprisé parfois. Ces sujets sont abordés avec finesse et une certaine dose d'humour noir délicieux que j'ai beaucoup apprécié.
C'est mon premier Paul Cleave, certainement pas le dernier !



Un T/P pour le challenge de la Licorne !




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