mercredi 1 mars 2017

2nd volet de l'ITV de ESTELLE FAYE


On enchaîne déjà avec le second volet
Pour lire le 1er, c'est ICI




                                   © Fabien Legeron



Juste deux mots avant de laisser lui laisser la parole : Bienvenue Estelle !



Bonjour lectrices et lecteurs de Book en Stock ! 


Enfin, dans le cas présent, "bonjour", c'est rhétorique, vu que j'écris cette présentation de nuit - ça ne surprendra pas ceux qui me connaissent - et de la caféine plein les veines - rien de très original pour moi non plus...

Je vous écris depuis mon bureau, au dernier étage d'un immeuble anonyme en banlieue parisienne, avec une vue imprenable sur les pics de pollution, quand il fait beau. Mon bureau est tapissé d'images, des affiches de ciné et de théâtre, des photos d'océans et du bout du monde, des reproductions de cartes anciennes, des illustrations de fantasy...Il y en a partout ou presque, sur les murs, les étagères, sur ma table de travail, sur les haut-parleurs de mon ordi. La prochaine étape, c'est le plafond, il est encore blanc et vide, il ne devrait pas rester longtemps ainsi. 
Poursuivons la visite. Sur la droite, un fauteuil hors d'âge, autrefois noir, aujourd'hui gris, décoloré par le soleil, avec son chat intégré - Fenby, plus noir que le fauteuil, pur gouttière, dix kilos de muscles. Au sol, des cahiers de notes et des feuilles de brouillon, des vagues de papier qui s'étalent et refluent au rythme de mes projets. Des livres dans tous les coins, évidemment, des films aussi. Sur la gauche, une énorme armoire limousine, héritage familial, avale un tiers de la pièce. Un meuble monstrueux en chêne massif, vieux de plus d'un siècle. Parfois les tiroirs dedans se déplacent, la porte s'ouvre toute seule en grinçant, c'est mon poltergeist personnel. Mon bureau a un côté cabinet de curiosités, il s'est garni au fil du temps d'une foule d'objets divers, ça va de la sirène immobile à la rapière brisée, en passant par un bonzaï de verre, un véritable chapeau claque, un esprit marin en bois flotté... 
Au fond, près du radiateur, trône une unique plante verte, une sorte de mini-palmier hawaïen, installé là un jour où j'étais en manque de voyages. Ce végétal tenace se débrouille depuis quatre ans déjà pour survivre au milieu de mes deadlines. Il mérite un certain respect. Le printemps et l'aube approchent. Bientôt les rossignols vont chanter. 

Encore merci à Dup et Phooka pour leur invitation !Pour mieux répondre à vos questions, je vais préparer du rab de café. 

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Allisonline :

Bonjour et bienvenue ! 
J'ai dévoré Thya mais, même si j'ai Enoch à lire, je n'ose pas tant que je n'ai pas le troisième sous la main. Mais j'ai aussi Un éclat de givre eeeet je crois bien que ce sera pour ce mois-ci !
Quel est ton processus d'écriture ? Apparemment, cela implique beaucoup de café, si j'ai bien compris ? :)
À très vite !

Estelle :


Bonjour et ravie que Thya t'ait plu !

En effet, mon processus d'écriture implique beaucoup de café, pas mal de nuits blanches, des tonnes de brouillons, et un manque assez flagrant d'organisation rationnelle.

Pour développer un peu : avant de me lancer dans la rédaction d'un roman, je passe des années à rêver à l'histoire, aux personnages, à l'univers. Je prends des pages et des pages de notes, je me documente beaucoup.

Ensuite, quand je me lance dans l'écriture, j'essaye de me dégager de longues plages horaires où je ne fais que ça, qu'écrire. J'écris surtout la nuit, j'ai pris l'habitude de travailler très tard pendant mes études, puis quand je faisais du théâtre. J'ai plus de facilité à me concentrer la nuit, à faire abstraction de ce qui m'entoure pour m'immerger dans mon texte. 
J'admire les auteurs qui travaillent de façon régulière, tous les jours à des horaires fixes. J'ai essayé de progresser de cette manière mais pour l'instant je n'y arrive pas.
J'écris par crises, je peux passer plusieurs jours d'affilé rivée à mon ordinateur en oubliant l'heure, en ne dormant presque pas, en sortant à peine. Puis je vais devoir tout laisser en plan, pour retourner quelques jours dans le monde réel. 
Je ne sais pas si je pourrais garder encore longtemps ce rythme, mais pour l'instant il me convient.

Ensuite, une fois que j'ai écrit un chapitre, je le fais relire à mes bêtas-lecteurs, j'en parle avec eux autour d'un café, pour moi, et d'un thé ou d'un chocolat, pour eux. On discute beaucoup, je retravaille le texte avec eux, puis je le corrige encore avec l'éditeur.




Licorne :

Bonjour Estelle, 
Je t'ai rencontré l'année dernière aux Imajinéres d'Angers et franchement ton dynamisme et ta bonne humeur sont ce que je retiendrai, en plus des excellents conseils de lectures que tu m'as donné ! Bref... Est ce que cette année tu y seras également ... Il n'y a pas beaucoup de communication sur cet événement ! 

Sinon, Je suis entrée il y a quelques jours dans le seigneur de Bohen et pfiouuu ! quelle conteuse tu fais ! est ce que tu te mets dans la peau des personnages quand tu écris, comme un rôle au théâtre ou es tu spectatrice de ce que tu racontes ? 
Merci d'avance pour ta réponse.


Estelle :
Bonjour Licorne,

et merci pour Bohen !
Je garde aussi de très bons souvenirs d'Angers !
Par contre je n'y reviendrai pas cette année. Le même week-end, je serai au Festival des Mondes Imaginaires à Montrouge.
Mais j'espère que nous aurons d'autres occasions de nous recroiser.


Durant le printemps, je passerai aussi aux Oniriques, à Meyzieu, à Rennes pour Rue des Livres, au Salon du Livre de Paris, aux Imaginales et à Trolls et Légendes - et sans doute ailleurs... Promis, je mets très vite une note là-dessus sur mon site.

Pour en venir à ta question, je me mets au maximum dans la peau de mes personnages, comme lorsque j'étais comédienne, en suivant une méthode assez inspirée de Stanislavsky, que j'ai apprise pendant mes études de théâtre, à San Francisco. Je me sers beaucoup de documentation pour cela, j'essaye de reconstituer au maximum l'univers dans lequel évoluent mes personnages, dans ma tête bien sûr, mais aussi de manière très concrète, chaque fois que c'est possible.
J'essaye par exemple de cuisiner ce que mangent mes personnages, d'expérimenter les styles de combat qu'ils utilisent... En gardant toujours à l'esprit que ce que je teste assez rapidement représente leur quotidien pendant des années, parfois pendant toute leur vie.




Licorne :

En tous les cas cette méthode fait ses preuves ... Le rendu est sidérant, je suis happée par les émotions très réalistes que dégagent Maeve, Wens et Sainte étoile !

J'aimerai beaucoup connaitre tes lectures ... Penses tu qu'elles t'influencent ou au contraire elles sont a l'opposé de ce que tu écris ?
Merci pour les dates, Estelle

Estelle :

Re bonjour Licorne,

et encore merci pour Maëve, Wens et Sainte Etoile !

Mes lectures m'influencent forcément.
Plus j'avance, et plus je suis convaincue qu'un auteur ne crée jamais tout seul, ex nihilo, mais qu'il est le fruit d'un paysage littéraire, la somme de ses lectures et de ceux qui l'ont précédé, aussi.
Certains livres ont été des étapes importantes de ma vie.

Typhon de Conrad, L'île au Trésor de Stevenson et Rivage des Intouchables de Francis Berthelot ont contribués à me rendre accro aux océans.

D'une manière générale, les romans de Francis Berthelot, que je relis régulièrement, m'aident à croire en la littérature, ils dégagent une émotion et une humanité incroyable, avec un fantastique sombre mais toujours teinté d'espoir. Et c'est un auteur qui parle très bien de théâtre.

Plusieurs lecteurs ont vu l'influence de son oeuvre dans Un Eclat de Givre, pour moi c'est un grand compliment.


Certains livres m'ont ouvert des horizons. Les Chroniques des Crépusculaires, de Mathieu Gaborit, m'ont montré à quel point on disposait d'une immense liberté de création en fantasy. A la pointe de l'épée, d'Helen Kushner, ou encore Le couteau du partage, de Lois MacMaster Bujold, m'ont encouragée à créer des héros innattendus.


Cristal qui songe de Sturgeon et Les souliers verts de Saint Marcoux ont nourri mon amour pour le théâtre, pour les freaks et les marginaux.
L'énergie et la révolte des héros de Steinbeck, dans Les raisins de la colère, m'ont aidée à écrire des personnages qui luttent.

La gouaille parisienne de Nestor Burma et le style enlevé de Rainbow Warriors d'Ayerdhal font partie des inspirations d'Un Eclat de Givre.
Jane Eyre de Charlotte Brontë reste un de mes modèles d'héroïnes.

Certains livres me soutiennent aussi quand j'ai un coup dur, un coup de blues, Martin Eden de Jack London ou encore le Seigneur des Porcheries de Tristan Egolf.

Par ailleurs, je lis aussi des choses qui m'ont rien à voir avec ce que j'écris, qui m'apportent une bouffée d'oxygène quand je me plonge trop avant dans mes univers. Quand j'écris de la fantasy par exemple, je lis souvent de la SF ou du polar.


Enfin, dans mes lectures récentes, j'aimerais citer deux coups de coeur, deux séries dans deux genres différents : l'Héritière et sa suite, de Jeanne A. Debats, et La Source des Tempêtes, de Nathalie Dau. Je crois que les maîtresses des lieux ont aimé aussi^^


Nahe :

Bonjour et bienvenue Estelle ! Je suis plongée dans Thya, une découverte bien agréable. Et une très jolie couverture, ce qui est souvent le cas pour vos romans : une coïncidence ou une preuve de bon goût de ta part ?

Estelle :
Bonjour et merci !


Pour ce qui est des couvertures, j'ai beaucoup de chance, surtout.
Et j'ai la chance d'avoir des éditeurs qui tiennent compte de l'avis de l'auteur, le plus souvent, qui me consultent et me demandent ce que je pense de telle ou telle piste d'illustration. Un grand merci à eux.



Gilwen :



Me revoilà (et merci pour ta réponse précédente). Non contente de varier les univers, tu varies également les formats en écrivant des nouvelles et travaillant comment anthologiste. Du coup j'ai quelques questions à ce sujet. 
Tout d'abord, sur le format de la nouvelle, ce qu'il t'apporte, ce que tu aimes dans ce format ? Vois tu cela comme un éclat de quelque chose d'autre ou un tout indépendant ? Quand tu participes à des anthologies comme celles des Imaginales qui sont thématiques, j'imagine qu'il y a un côté "texte de commande" à l'exercice ? Comment intègres tu ce type de contrainte ?
Pareil pour ta casquette d'anthologiste, quel plaisir en tires tu, que recherche tu dans les textes que tu sélectionnes ?

Estelle :

Re-bonjour,

ce que j'aime dans la nouvelle, et notamment dans la nouvelle de commande, c'est la liberté de tester des choses, d'essayer de nouveaux univers, d'aller dans des directions auxquelles je n'aurais pas forcément songées. Par exemple, dans l'anthologie des Imaginales Trolls et Licornes, Jean-Claude Dunyach nous a poussé à écrire des textes légers, joyeux, et je me suis lancée dans de la fantasy humoristique pour la première fois. 
Je trouve la contrainte très ludique, au fond. Elle a un côté "défi à relever" qui me parle beaucoup.
Les nouvelles, pour moi, sont des éclats d'univers, mais elles doivent aussi pouvoir fonctionner seules, être indépendantes et ouvrir des portes à l'imagination.

Certaines de mes nouvelles, c'est assez rare, ont des rapports plus ou moins distants avec mes romans. Dans l'anthologie Trolls et Légendes, ma nouvelle La montagne aux trolls montre la forteresse de Brog, que l'on voit dans La Voie des Oracles, quinze siècles après le passage de Thya.
Certaines de mes nouvelles, ce n'était pas prévu à la base, sont en train de donner naissance à des romans.

En tant qu'anthologiste, j'aime découvrir de nouveaux univers, faire découvrir aux lecteurs des mondes, des plumes qui m'ont émue, qui m'ont fait voyager... Je ne cherche pas forcément des textes parfaits, ou publiables en l'état - je suis là aussi pour faire travailler les auteurs, au besoin - mais plutôt des univers différents, des voix particulières. Des textes vivants. 
Enfin, derrière une anthologie, il y a souvent de belles rencontres littéraires et humaines.



Bonjour Estelle ! Je suis vraiment contente de participer à ce "mois de" car enfin je découvre ta plume ! Je suis actuellement dans Les seigneurs de Bohen et j'adore ! Comment est-ce possible de manquer d'organisation alors que tu nous livres un récit si complexe (avec les histoires de tous ces personnages qui se chevauchent) et si juste ? Pas une fois je n'ai été perdue, tu nous rappelles toujours ce qu'il faut quand il faut. J'imagine que tu as du beaucoup travailler sur ce livre et que ça a du être un vrai casse tête pour toi de rendre le tout fluide et cohérent. Est ce que tu as fait des frises chronologiques pour t'en sortir ? Est ce que tu écris d'abord toute l'histoire d'un personnage avant de les imbriquer ? En tout cas je suis impressionnée et je file continuer ma lecture !

Estelle :
Bonjour May,

je suis contente que Bohen te plaise !

Pour ce qui est de la cohérence de Bohen, il n'y a pas de mystère, j'ai travaillé avec des frises chronologiques en effet. Beaucoup de frises chronologiques, toutes manuscrites.
Au début de l'écriture, j'ai fait une grande chronologie de l'ensemble du livre, ainsi qu'une frise chronologique plus détaillée par saison, une pour chaque personnage important, une pour chaque lieu important, et enfin des fiches qui récapitulaient tout sur les grands mythes et les différentes magies de cet univers.

Cependant, comme mes romans évoluent constament au fil de l'écriture, les frises et les fiches changeaient constament elles aussi. Et dans un projet comme Bohen, tu t'en doutes, le moindre petit évènement que je bougeais, mettons, dans l'histoire de Wens, pouvait avoir des répercussions sur toutes les autres lignes d'histoire de tous les autres personnages, avant et après dans le texte. Donc à chaque variation, je relisais et je corrigeais l'ensemble du projet. A la fin, sur mes fiches, il y avait plus de ratures que de mots. 
Pour résumer, c'était un travail de romain.
Mon éditeur et mon entourage m'ont beaucoup soutenue, je n'aurais pas terminé ce roman sans eux - mention spéciale à Suzanne, ma bêta-lectrice, qui est très douée pour relever les incohérences dans un texte, et qui m'a cuisiné des soupes de légumes maison quand je commençais vraiment à ressembler à un zombie. Car il n'y a pas que le café dans la vie ! 

Bonne fin de lecture !

6 commentaires:

Les lectures de Licorne a dit…

En tous les cas cette méthode fait ses preuves ... Le rendu est sidérant, je suis happée par les émotions très réalistes que dégagent Maeve, Wens et Sainte étoile !

J'aimerai beaucoup connaitre tes lectures ... Penses tu qu'elles t'influencent ou au contraire elles sont a l'opposé de ce que tu écris ?
Merci pour les dates, Estelle

Nahe a dit…

Bonjour et bienvenue Estelle ! Je suis plongée dans Thya, une découverte bien agréable. Et une très jolie couverture, ce qui est souvent le cas pour vos romans : une coïncidence ou une preuve de bon goût de ta part ?

Gilwen a dit…

Me revoilà (et merci pour ta réponse précédente). Non contente de varier les univers, tu varies également les formats en écrivant des nouvelles et travaillant comment anthologiste. Du coup j'ai quelques questions à ce sujet.
Tout d'abord, sur le format de la nouvelle, ce qu'il t'apporte, ce que tu aimes dans ce format ? Vois tu cela comme un éclat de quelque chose d'autre ou un tout indépendant ? Quand tu participes à des anthologies comme celles des Imaginales qui sont thématiques, j'imagine qu'il y a un côté "texte de commande" à l'exercice ? Comment intègres tu ce type de contrainte ?
Pareil pour ta casquette d'anthologiste, quel plaisir en tires tu, que recherche tu dans les textes que tu sélectionnes ?

May a dit…

Bonjour Estelle ! Je suis vraiment contente de participer à ce "mois de" car enfin je découvre ta plume ! Je suis actuellement dans Les seigneurs de Bohen et j'adore ! Comment est-ce possible de manquer d'organisation alors que tu nous livres un récit si complexe (avec les histoires de tous ces personnages qui se chevauchent) et si juste ? Pas une fois je n'ai été perdue, tu nous rappelles toujours ce qu'il faut quand il faut. J'imagine que tu as du beaucoup travailler sur ce livre et que ca a du être un vrai casse tête pour toi de rendre le tout fluide et cohérent. Est ce que tu as fait des frises chronologiques pour t'en sortir ? Est ce que tu écris d'abord toute l'histoire d'un personnage avant de les imbriquer ? En tout cas je suis impressionnée et je file continuer ma lecture !

Claire D. a dit…

Bonjour Estelle,
je viens de lire La voie des oracles, d'abord Thya, puis j'ai rapidement enchaîné avec Enoch. J'adore, il faut vite que je commande la suite. Je suis documentaliste et je lis pas mal d'ado, forcément. Je tenais à dire que je trouvais le personnage de Thya très très intéressant d'un point de vue psychologique. Il y a quelque chose de très beau dans sa manière d'être une héroïne avant d'être une jeune fille. J'ai trouvé que la relation telle qu'elle se développe est réaliste et peut parler à de nombreuses jeunes filles pour qui se trouver soi-même passe avant les engouements légers de l'adolescence. Elle n'en est pas moins attirée, la sexualité n'est pas niée. Bref, j'ai vraiment envie de le faire lire à un max de mes élèves ! Enoch est aussi un fort bon personnage, qui agace et fascine. Après l'écriture, lequel des deux personnages te plait le plus ? Lequel t'as surpris ?

Roz a dit…

Bonjour Estelle !
Je n'ai lu "que" la trilogie Thya/Enoch/Aylus, et il me semble que c'est la seule fois où l'histoire est en plusieurs tomes. C'est un choix personnel ou une demande de l'éditeur du fait d'une étiquette jeunesse ?
Tu as fait des études d'histoire pour naviguer aussi bien dans les différentes mythologies ?