jeudi 13 novembre 2014

Interview Le mois de Simon Sanahujas Tome 2



Deuxième page de l'interview, la première étant ICI


crédit photographique : Brice Maire




« Mais qu’est-ce qu’il lui prend ? » lâche enfin l’homme au crâne rasé, vêtu de noir depuis ses rangers jusqu’à sa veste de treillis sans manches.
Dans ses mains épaisses, le nunchaku de bois sombre virevolte, comme agacé, comme doué d’une vie propre. À son côté, le grand gaillard aux cheveux hirsutes et au visage mangé de barbe et de balafres grogne :
« Aucune idée, Suleyman, ça fait plusieurs jours déjà qu’il est comme ça… »
Comme mal à l’aise, le plus grand réajuste nerveusement les sangles de la longue épée qui lui barre le dos. Le métal crisse sur les clous de sa broigne usée mais le troisième occupant des lieux ne semble se rendre compte de rien, le regard rivé à l’écran d’un petit ordinateur.
« Mais il n’écrit qu’au stylo Bic ! » reprend le premier. « C’est un crédo pour lui, quasi une religion, il est capable d’argumenter là-dessus durant des heures… »
L’autre soupir, ballade son regard d’un brun mêlé de vert dans la pièce où s’entassent livres et objets étranges, à la manière d’un cabinet de curiosité.
« C’est quoi ces trucs ?
― Des trombones… à coulisse, » répond le premier distraitement. « Il a commencé par des études de musique classique ce con, a chopé un ou deux prix de conservatoire puis a expliqué à son professeur qu’il plaquait tout pour écrire des romans de science-fiction. Paraît que le gars a halluciné… »
― Ah ouais ? » grogne le guerrier avant d’ajouter, pensif : « Me rappelais pas qu’il était chauve à ce point…
― Si ce n’était que ça, Karn ! Moi ce qui m’inquiète le plus, c’est son alcoolisme galopant… Il a sorti la bonbonne de marc de champagne, » lâche-t-il en désignant le bureau du menton.
Une large bouteille trône à proximité de l’ordinateur, emplie de trois ou quatre litres d’un liquide translucide. Sur le verre, un autocollant présente une tête de mort électrisée sous laquelle apparaît une inscription sibylline : World War III.
« C’est mauvais signe… » ajoute-t-il encore.
― Sans parler de ce putain d’ordi !
― Sans parler de ce putain d’ordi… »
Une pétarade tonitruante interrompt les deux hommes qui devinent la monstrueuse Harley Davidson en train de se garer sous les fenêtres. Ils échangent un regard qui en dit long tandis que des pas lourds et des bruissements de ferraille retentissent dans l’appartement. Lorsque le colosse fait irruption dans le bureau, c’est comme si l’air venait subitement à manquer tant sa carcasse prend de la place. Recouvert d’acier des pieds à la tête, le triple canon d’une Gatling à plasma reposant nonchalamment sur une épaule, le géant darde des yeux rougeoyants sur les deux héros tandis que sa voix d’outre-tombe retentit :
« Tout va bien ? Je suis venu dès que j’ai su… Il paraît qu’il va y passer un mois !
― Quoi ? » s’exclament les deux héros à l’unisson.
« Mais il ne peut pas me laisser comme ça, pas après la fin de Rancœur », jure Karn.
« Ouais je sais…
― Comment ça ?
― Ben j’ai lu tous ses bouquins, moi.
― Même le dernier ? » répond Karn en ignorant le reproche sous-jacent.
Suleyman acquiesce, un sourire au coin de la bouche.
« Et même ceux d’après… C’est pratique de connaître les portails qui relient les univers, pour ce genre de chose.
― Eh ! Et je finis comment ?
― Ah ben ça, désolé, mais je n’ai pas le droit de le dire. Il y a des règles…
― Je vois… Et toi ?
― Ah ben moi ça va, tu sais : on a un deal. Je l’ai coursé dans tout le Multivers, j’ai tué une dizaine de ses incarnations et après on s’est mis d’accord : il n’écrit plus sur moi. Depuis je suis tranquille.
― Et tu ne t’ennuies pas ?
― Ça m’arrive, parfois, c’est curieux d’ailleurs, comme sensation…
― Cela me rappelle un poème… » intervient le colosse au casque encadré de cornes d’acier.
« Non, Mercenaire ! » gueulent les deux héros à l’unisson alors que l’autre s’apprête visiblement à déclamer.
« Excusez-moi ? »
Surpris, les trois guerriers se retournent pour découvrir un jeune homme qui hésite sur le pas de la porte, un pinceau à la main. Il est vêtu d’une manière pathétiquement normale et, à côté d’eux, paraît rachitique. Le regard qu’ils lui portent ne masque aucunement leur pensée commune, brusquement résumée par le géant aux yeux pourpres :
« C’est qui ce blaireau ?
― Désolé de vous déranger mais voilà : je me suis fait largué par ma copine un peu brutalement y’a pas longtemps, ensuite il m’a fait lire un bouquin sur la psychologie évolutionniste, ça m’a retourné le crâne et puis, alors que j’allais en parler à mon pote Freddy, plus rien. Comme s’il m’avait brusquement laissé en plan…
― Je vois, » lâche Suleyman.
Karn acquiesce, mauvais, en dévisageant le nouveau venu de la tête au pied :
« Il a… changé, visiblement, notre ami l’écrivain…
― Merdier de merdier ! J’en ai marre d’entendre cette putain de chanson partout où je vais ! » intervient alors une voix féminine, en provenance du salon.
« Suleyman’s dream par-ci, Suleyman’s dream par-là… » jure-t-elle encore avant de débarquer dans le bureau, crinière blonde lâchée au vent et yeux gris pétillants.
« J’avais même pas remarqué, » grogne Mercenaire en changeant distraitement son arme infernale d’épaule.
« C’est un monomaniaque quand il écoute de la musique, et ça ne s’est pas arrangé depuis qu’il se pique d’écrire des textes de chanson… » commente Karn.
« Ça encore, ça va, mais le mois dernier il s’est fait imprimé le corps par une typographe. Paraît que c’était de l’art mais moi je n’ai rien compris, » renchérit Suleyman.
« Tu m’étonnes, au moins quand il partait faire le con au Gabon ou en Roumanie, en essayant de prouver l’existence de Tarzan ou de Dracula, ça allait : on se sentait vaguement concerné, quoi…
― Papa ! » lance soudain une voix aigue tandis qu’une gamine aux boucles blondes traverse la pièce comme une furie, bouscule les héros sur son passage et se jette dans les bras de Suleyman.
― Merde, t’as une môme toi maintenant ? » relève Karn.
« De la part d’un gars qui possède des héritiers dans la moitié des royaumes de son monde, je trouve cette remarque un peu déplacée…
― Il est malade le monsieur ? » demande la petite fille en ouvrant de grands yeux inquiets. « Moi je l’aime bien le monsieur, j’espère qu’il va guérir. Dis, tu crois que je peux aller lui faire un câlin, papa ?
― Non mon lapin bleu : on n’est pas vraiment là, tu sais. Et puis de toute manière, je te l’interdirais : il nous en a fait baver, à ta mère et moi… »
La petite a l’air déçue. La jeune femme qui l’a guidée ici lui lance un sourire affectueux puis jette, à la cantonade :
« Bon allez les gars, rien de vraiment grave : il répond aux questions des lecteurs de Book en Stock. Ca va durer un mois et ensuite il se remettra au taf, enfin j’espère… Maintenant, chacun réintègre son univers et fissa, sinon c’est encore moi que le Conseil va venir emmerder !
»

Pour relire le texte de Simon avec une police plus confortable, c'est ICI. On a resserré pour éviter de jouer de trop avec la roulette de la souris ;)

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Tu dis dans l'ITV "Vers 17 ou 18h je lâche un peu de leste et vais lire dans un bistrot pendant une ou deux heures,"
C'est marrant ça de lire dans un bistrot ? Pourquoi donc? Pourquoi pas sur ton canapé ou sue la terrasse ?
Et puis justement que lis-tu ? As tu un genre de prédilection ? Quel(s) livre(s) t'a(ont) marqué récemment ?

Simon :

Bonjour à tous,


Avant de répondre, je tiens à m’excuser pour le silence de ces derniers jours : je me trouvais à la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde, et le week-end a été plus qu’intense…



Pour la lecture en bistrot, il s’agissait d’un moment particulier car je me trouvais en résidence, donc je passais mes journées enfermé chez moi pour écrire. J’allais donc au bistrot pour une raison très simple : j’avais besoin de voir du monde. Personnellement – mais c’est quelque chose que je partage avec un grand nombre d’auteurs – je nourris mon écriture de ce qui m’entoure au quotidien. Durant cette période, je ne voyais pratiquement personne et j’avais donc besoin de sortir et de sentir des gens évoluer autour du moi, d’où le choix d’aller lire dans les bars. Ce sont des endroits fabuleux pour cela : outre l’ambiance, on peut y côtoyer toutes les couches de la population, et le fait qu’il s’agisse la plupart du temps de rencontres tout à fait éphémère - ces personnages qu’on découvre brièvement pour, souvent, ne jamais plus les revoir – confère un caractère passager à ces instantanés, tout comme les personnages que l’on peut croiser au fil des pages d’un livre, que l’on côtoie et dont ne demeure plus qu’un souvenir lorsque l’on referme le bouquin… Sinon, habituellement, je lis dans mon canapé ou dans mon lit…



A part cela je n’ai plus de genre de prédilection : je lisais exclusivement de l’imaginaire lorsque j’étais adolescent, mais ces temps sont révolus et, aujourd’hui, je lis de tout : des essais, de la littérature générale, de l’historique… Récemment, j’ai été enchanté par une bonne moitié des nouvelles du recueil « Aucun souvenir assez solide » d’Alain Damasio, j’ai beaucoup apprécié « Sexus » de Henri Miller même s’il souffre de nombreux passages assez barbant, et je me suis fait surprendre comme un gamin par la fin de « Tortuga » de Valerio Evangelisti.


Nahe

Bonjour Simon,

Je suis justement plongée dans Rancoeur et je rejoins totalement Phooka quand à la noirceur et aux scènes fortes. Justement, et là, je la retrouve encore, as-tu besoin de changer de genre pour choisir tes lectures après avoir écrit des pages si dures ? Ou le contraire ?


Simon :


Bonjour Nahe,

En fait, j’essaye d’éviter de trop lire lorsque je suis dans une phase d’écriture, et surtout pas de l’imaginaire lorsque j’écris de la fantasy ! Les raisons sont toutes simples : comme tout le monde, je me retrouve vite sous influence, pour peu que ce que je lise me plaise. J’évite donc de lire des choses qui se situent dans le même genre, afin d’éviter de dévier inconsciemment de mon propre univers, de mon histoire et de mes personnages. Mais au-delà de la fantasy, le risque est grand d’adopter les manières et le style d’un autre (lorsque celui-ci me plaît encore une fois). Pour éviter cela, j’essaye de lire un maximum de nouvelles et, si possible, d’auteurs différents. Ainsi, les plongées dans un style ou dans une ambiance sont trop courtes pour réussir à m’influencer véritablement.

Pour en revenir à « Rancœur », il m’était impossible de réellement souffler après les scènes les plus trashs car l’état d’esprit particulièrement sombre de Karn, dans une bonne partie de l’histoire, demeurait présent au-delà de ces scènes. Et lorsqu’on écrit ce genre de chose, on ne peut pas vraiment se changer les idées : l’histoire est là et continue de nous baigner en dehors des phases d’écriture. Ce que je faisais pour palier à cela, c’était de me rabattre sur des séries dans des genres qui n’ont rien à voir. Cela fonctionne pas mal…






lireetclaire

Bonjour Simon,

Vous avez écrit des nouvelles et des romans. Dans lequel de ces modes d'expression vous sentez-vous le plus à l'aise ? Dans lequel vous amusez-vous le plus ?
Merci. Claire


Simon :

Bonjour Claire,

Dans l’écriture, ma préférence va sans la moindre hésitation au roman. Ce n’est pas tant une question de se sentir à l’aise que de trouver manière à s’éclater. L’exercice de la nouvelle est intéressant, et je ne le dénigre pas du tout, mais il implique des contraintes qui, si elles peuvent être intéressantes dans le sens où elles nous poussent dans nos retranchements pour réussir à transformer l’essai, peuvent me frustrer parfois. À l’opposé, le roman ne possède aucune limite. Je prends un plaisir tout particulier à construire une histoire sur 300 pages, à faire évoluer mes personnages au gré d’une narration longue. Enfin, d’un point de vue personnel, j’adore le fait de me plonger dans une même histoire pendant six à douze mois. Ce n’est pas une expérience très aisée car pendant ce laps de temps, notre vie se double d’une autre, mais les sensations de ce type d’immersion me procurent un plaisir énorme.

Pour en revenir aux nouvelles, je pratique cela pour différentes raisons. En une manière de respiration d’une part : rédiger quelques nouvelles entre deux romans est une bonne façon de reprendre sa respiration, de se poser un peu. Et d’autre part, je m’en sers comme des sortes de laboratoires textuels et stylistiques : ces textes courts me permettent d’essayer des choses. Cela a été le cas par exemple avec « Une surprise de (petite) taille », l’un des textes qui clôt « Rancœur » : je m’y suis amusé en prenant à contre-pied l’une des contraintes de la narration intra-diégétique. Et cela a encore été plus flagrant avec « Le marchand de réalités », une nouvelle publiée dans l’anthologie « Jeteurs de sorts » et reprise dans mon recueil numérique chez ActuSF (« Le marchand de réalités » justement). Dans ce texte, j’ai testé une manière de raconter deux histoires en même temps, sur le principe des réalités parallèles, et c’est quelque chose que je compte réutiliser dans des textes plus longs prochainement.

Pour finir là-dessus, je voudrais juste souligner quelque chose : on ne peut pas choisir d’écrire une nouvelle ou un roman en fonction de notre humeur. Le format est intimement lié à l’idée : une idée vient et il s’agit de trouver la forme qui lui conviendra le mieux, nouvelle ou roman…



Sia :


Bonjour Simon Sanahujas ! Je vous découvre au gré de cette interview ; comme je ne connais pas bien votre bibliographie ou votre univers, par quel titre me conseilleriez-vous de commencer ?

Simon :


Bonjour Sia,

Tout dépend de tes goûts ! En fantasy, je conseille clairement « Rancœur », à mon humble avis le plus abouti de mes romans, sachant qu’il s’agit d’une histoire plus que ténébreuse… Et en science-fiction, dans des textes un peu plus « légers » qui traitent de la thématique des réalités parallèles, ma préférence va à « L’emprise des rêves ». Et puis il y a aussi les récits de voyage que j’ai faits en collaboration avec le photographe Gwenn Dubourthoumieu. Il s’agit d’un tout autre genre et, là-aussi, d’une affaire de goûts entre les personnages de Tarzan (« Sur la piste de Tarzan ») ou Dracula (« A la poursuite de Dracula »).







Bonjour,
ça y est je suis dans la lecture de "l'emprise des rêves"... qui me plaît mais qui est écrit très petit !!!
J'ai remarqué la forte présence des couleurs dans les descriptions et je voudrais savoir si c'est une influence familiale, si c'est volontaire ou juste moi qui en voit partout.
Si c'est volontaire est-ce pour ne pas sombrer dans le sombre.
Deuxième question c'est au sujet des espaces-temps... vous avez dû vous amuser à faire des fiches ou des tableaux pour savoir où en étaient vos personnages ? Ou est-ce moi qui essais de mémoriser qui est où ? Du coup on est en éveil permanent par ce que nous n'avons pas la fameuse montre de Zoé ! En fait j'imagine un tableau avec des traits partout pour relier les différentes trames. 





Simon :



Bonjour Ramettes,

Bien vu : il s’agissait d’une volonté particulière pour « L’emprise des rêves ». Je voulais jouer sur les contrastes afin de marquer la multitude d’univers mis en scène, d’une part pour bien souligner les différences afin d’aider le lecteur à s’y retrouver, et d’autre part afin d’utiliser des contrastes forts (froid/chaud, sec/humide, clair/obscur) pour montrer le côté un peu violent d’un voyage sans transition entre deux mondes. Et les couleurs me sont apparues rapidement comme un bon moyen de mettre cela en place, sans parler de leur utilité pour faire varier les univers et jouer sur les curiosités du Multivers.

De manière générale, je possède une vision très cinématographique des scènes que je décris, et les couleurs en font évidemment partie. Enfin, inutile de le nier : j’ai été baigné dans les illustrations de mon père, que je voyais se créer sous mes yeux lorsque j’étais enfant. Cela m’a forcément influencé quelque part.

Concernant ta deuxième question, je n’ai effectivement rien laissé au hasard. Lorsque j’écris un roman, je me fais toujours une chronologie des événements. C’est fort pratique quand on a besoin de préciser que les héros se situent X jours après tel événement. J’ai fait de même avec « L’emprise des rêves », sauf qu’avec la multitude de monde c’était beaucoup plus ardu. J’ai donc mis en place tout un tas de feuillets pour mettre tout cela au clair. Quand j’ai lu ta question, j’ai rouvert mes cartons pour voir ce que j’avais fait. Il y avait d’une part des schémas montrant l’ensemble des univers évoqués dans le roman avec les chemins qui les relient, et puis des feuilles de calculs avec des équivalences de temps pour les univers où celui-ci va plus ou moins vite, voire à l’envers. C’est ce qui m’a permis de pouvoir savoir avec précision quand revenait tel personnage s’il avait passé X jours sur tel monde. J’aurais pu m’en passer et proposer un truc à peu près vraisemblable, mais j’aime bien peaufiner ce genre de détails, notamment pour donner un peu de réalisme à l’ensemble. Et puis je me dis toujours que si jamais un lecteur s’amuse à recoller les morceaux de la chronologie pour vérifier le tout, ma responsabilité est qu’il trouve quelque chose de logique ! (ne serait-ce que pour récompenser son labeur ;-) )





Xapur:


Bonsoir SImon

Voici le lien vers mon avis sur Rancoeur :
http://bibliosff.wordpress.com/2014/11/16/rancoeur-simon-sanahujas/

Est-ce que tu as prévu d'écrire d'autres récits sur Karn ou passes-tu à d'autres héros ?




Simon :



Bonjour Xapur, et merci pour ta belle chronique !

Visiblement tu as apprécié et cela me fait beaucoup plaisir.
Pour répondre à ta question, j’avais prévu d’en rester là au sujet de ce bon vieux Karn. Tout d’abord parce je travaille actuellement sur d’autres projets qui risquent de me demander pas mal de temps, et ensuite parce que je souhaite écrire dans d’autres genres que la fantasy, qui représente le genre pour lequel j’ai le plus écrit finalement. Enfin, je trouvais dans « Rancœur » une fin en partie ouverte, mais une belle image de fin pour le personnage…
Et puis voilà, sans prévenir, comme cela se produit régulièrement dans cette activité, une idée a surgit il y a deux ou trois semaines. Alors même que je cherchais à me concentrer sur tout autre chose, elle a débarqué sans prévenir et a tout bousculé sur son passage. Je l’ai donc notée : deux pages qui jettent les bases d’une nouvelle histoire qui serait la suite logique de « Rancœur », qui répondrait aux derniers questionnements laissés en suspens, et qui achèverait véritablement ces Chroniques. Il ne me reste plus qu’à trouver le temps de l’écrire !
Après, il y a aussi des pans de la vie de Karn que je n’ai pas exploré, et il n’est pas impossible que j’y revienne un de ces jours, pour écrire des nouvelles qui viendraient compléter la chronologie. Cela fait plus de 20 ans que j’ai mis en scène Karn pour la première fois (un récit non publié, je vous rassure), et c’est tout le problème : difficile de s’arrêter lorsqu’un personnage nous a toujours accompagné…
Quoiqu’il en soit ce ne sera pas pour tout de suite : je suis plongé dans un roman sur lequel il me reste beaucoup de travail. Pour patienter il reste les précédents livres, que je travaille à refaire publier…









J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et vraiment apprécié ton billet d'introduction. J'imagine qu'il s'agissait de lier tous les personnages de tes écrits, n'ayant pas eu l'occasion de tous les lire, hormis "Rancoeur", c'est mené avec un certain sens de l'autodérision et de l'humour et pour parodier une certaine émission de TV ; "j'achète" le genre. Grâce aux premières questions de nos hotesses (salut les filles) j'ai découvert le principe de "la résidence d'auteur" et compte tenu de ton relatif jeune âge, une première question sur tes interventions en atelier d'écriture quel sentiment as tu auprès de tes "étudiantes / étudiants" en connaissant les turpitudes d'un auteur et le fait que rare sont celles et ceux qui pourront vivre de ce talent et que j'imagine cetains d'entre eux, nourrissent beaucoup d'espoirs ? La capacité de partager le sens de l'histoire ou de l'écriture étant rare, quels conseils donnes - tu et de quelle manière enseignes tu ?
Outre les violences et l'hyper violence même qui baigne ce livre, j'ai ressenti un vrai sens de la description et la mise en scène de ces personnages (notamment ceux d'en bas, d'un certain Creuset) comment fais- tu pour définir ainsi et camper tes personnages principaux et secondaires avec tant de précisions ? tu s un espèce de bestiaire en tête avec des fiches ? Dans certains des personnages de ton livre, j'avais l'impression de me trouver dans des scènes, type tavernes glauques de Star Wars, as-tu aussi une fimographie particulière ? 





Simon :






Salut Olivier,


C’était effectivement mon idée pour le billet d’introduction, pas très originale par rapport à ce que mes prédécesseurs ont pu faire, mais je trouvais le concept rigolo. Et comme l’interaction entre auteur et héros se situe parmi les questionnements au cœur de « Suleyman » et de « L’emprise des rêves », c’était encore plus amusant, sans parler du fait de me mettre en scène et d’en profiter pour me moquer de moi-même ;-).
Concernant les cours d’écriture, je n’ai que rarement rencontré des gens qui rêvaient réellement d’en faire leur métier. La plupart du temps, il s’agit de personnes qui sont à la recherche de conseils pour réussir à concrétiser des textes assez personnels, qui veulent juste écrire pour leur plaisir, ou encore qui cherchent à comprendre les mécanismes d’écriture. De fait je n’ai pas déçu grand monde en leur expliquant les contraintes du métier. Comme il s’agit souvent d’adultes, ils sont à peu près au fait des réalités financières de l’auteur. Ceux que je surprends en parlant de cela, ce sont plutôt les élèves auprès desquels j’interviens en collège et lycée. Eux imaginent encore qu’écrivain puisse être un métier comme les autres, et ils ouvrent de grands yeux sidérés quand je leur explique comment cela fonctionne.
Quant au contenu, comme tu le fais justement remarquer, il est pratiquement impossible de leur inculquer le « sens de l’histoire » ou encore la manière de trouver des bonnes idées. Là on touche à des choses personnelles et presque innées, je dis presque parce que l’expérience permet de perfectionner tout cela, évidemment. En conséquence, je propose des ateliers très techniques. L’objectif est que les participants intègrent toutes les règles de l’écriture afin, soit de les utiliser de manière maîtrisée, soit de les transgresser en connaissance de cause. Actuellement, j’enseigne la création littéraire dans une option à la faculté. Les cours sont presque exclusivement consacrés à des aspects méthodologiques : les phases du récit, les points de vue de narration, la temporalité, les temps de narration, le monomythe, les structures et le scénario, les techniques de dialogue, de description et… la création de personnage !
Ce qui me permet d’enchaîner sur ta question suivante ;-).
Comme beaucoup, je me crée effectivement des fiches pour chacun des personnages. Celles-ci comprennent tous les aspects de caractérisation externes et internes : description, champ lexical, attitude, psychologie, objectifs et un background complet pour chacun d’entre eux. Je ne transmets pas toutes ces informations dans le roman, mais cela me permet d’avoir une idée précise de chacun des personnages afin de pouvoir les faire vivre de la manière la plus crédible possible sur le papier. Et visiblement ça marche J.
Au sujet des scènes, il n’y a pas réellement de filmographie pour m’inspirer, directement en tout cas. Par contre, je sais que je fonctionne de manière très cinématographique. Avant d’écrire, je visualise précisément la scène, et je me contente de transcrire ce qui est apparu dans ma tête. On m’a souvent dit que mes livres recelaient un fort aspect cinématographique, et j’imagine que cela vient de là.







Phooka

Question immédiate qui suit ta réponse à Xapur ...

Peux tu nous en dire plus sur tes projets d'écriture stp ? :) 



Simon :


Depuis le début de l’année, je me consacre à un roman de littérature générale. Ecrire des centaines de pages sans la moindre bagarre ça fait tout drôle, mais je prends beaucoup de plaisir à ce nouvel exercice… Dans les projets à plus long terme, il y a un roman d’anticipation politique et une pièce de théâtre avec le collectif BRONCA, dont je fais partie depuis quelques années. Avec Gwenn Dubourthoumieu, le photographe avec qui j’ai collaboré pour les récits de voyages parus chez les Moutons électriques, nous avons également deux nouveaux projets de vadrouille imaginaire, mais qui prendront à priori une forme différente et plus riche qu’un simple livre. Et puis, du coup, il y a désormais une nouvelle histoire de Karn qui est venu s’ajouter à tout cela…
Bref : j’ai de quoi m’occuper pour quelques années ...

11 commentaires:

Sia a dit…

Bonjour Simon Sanahujas ! Je vous découvre au gré de cette interview ; comme je ne connais pas bien votre bibliographie ou votre univers, par quel titre me conseilleriez-vous de commencer ?

Ramettes a dit…

Bonjour,
ça y est je suis dans la lecture de "l'emprise des rêves"... qui me plaît mais qui est écrit très petit !!!
J'ai remarqué la forte présence des couleurs dans les descriptions et je voudrais savoir si c'est une influence familiale, si c'est volontaire ou juste moi qui en voit partout.
Si c'est volontaire est-ce pour ne pas sombrer dans le sombre.
Deuxième question c'est au sujet des espaces-temps... vous avez dû vous amuser à faire des fiches ou des tableaux pour savoir où en étaient vos personnages ? Ou est-ce moi qui essais de mémoriser qui est où ? Du coup on est en éveil permanent par ce que nous n'avons pas la fameuse montre de Zoé ! En fait j'imagine un tableau avec des traits partout pour relier les différentes trames.

Xapur a dit…

Bonsoir SImon

Voici le lien vers mon avis sur Rancoeur :
http://bibliosff.wordpress.com/2014/11/16/rancoeur-simon-sanahujas/

Est-ce que tu as prévu d'écrire d'autres récits sur Karn ou passes-tu à d'autres héros ?

Olivier Bihl a dit…

Reprise du lien vers mon avis sur "Rancoeur" : http://passiondelecteur.over-blog.com/2014/11/le-mois-de-novembre-2014-chez-book-en-stock-sera-celui-de-simon-sanahujas-avec-en-partenariat-son-livre-rancoeur-chroniques-de-karn

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et vraiment apprécié ton billet d'introduction. J'imagine qu'il s'agissait de lier tous les personnages de tes écrits, n'ayant pas eu l'occasion de tous les lire, hormis "Rancoeur", c'est mené avec un certain sens de l'autodérision et de l'humour et pour parodier une certaine émission de TV ; "j'achète" le genre. Grâce aux premières questions de nos hotesses (salut les filles) j'ai découvert le principe de "la résidence d'auteur" et compte tenu de ton relatif jeune âge, une première question sur tes interventions en atelier d'écriture quel sentiment as tu auprès de tes "étudiantes / étudiants" en connaissant les turpitudes d'un auteur et le fait que rare sont celles et ceux qui pourront vivre de ce talent et que j'imagine cetains d'entre eux, nourrissent beaucoup d'espoirs ? La capacité de partager le sens de l'histoire ou de l'écriture étant rare, quels conseils donnes - tu et de quelle manière enseignes tu ?
Outre les violences et l'hyper violence même qui baigne ce livre, j'ai ressenti un vrai sens de la description et la mise en scène de ces personnages (notamment ceux d'en bas, d'un certain Creuset) comment fais- tu pour définir ainsi et camper tes personnages principaux et secondaires avec tant de précisions ? tu s un espèce de bestiaire en tête avec des fiches ? Dans certains des personnages de ton livre, j'avais l'impression de me trouver dans des scènes, type tavernes glauques de Star Wars, as-tu aussi une fimographie particulière ?

Olivier Bihl a dit…

oups je me relis et te demande de bien vouloir excuser mes fautes de frappe et de conjugaisons ainsi qu'à tous les lectrices et lecteurs....passant par là

Phooka a dit…

Question immédiate qui suit ta réponse à Xapur ...

Peux tu nous en dire plus sur tes projets d'écriture stp ? :)

Sia a dit…

Eeh, mine de rien, je repars quand même avec 3 suggestions de lecture qui me bottent (il n'y a guère que Tarzan qui ne m'attire pas, en fait). Chapeau !

Simon Sanahujas a dit…

Eh bien voilà une nouvelle qui me fait très plaisir :-).

Ramettes a dit…

Toujours dans la lecture de "L'emprise des rêves" que j'aime beaucoup. j'ai surtout remarqué que les personnages sont en mouvement perpétuel et ces histoires de différence de déroulement du temps. C'est un peu ce que beaucoup de monde voudrait, vivre plusieurs vies et parfois jouer avec le temps et modifier certaines choses... Est-ce que vous avez voulu faire passer ce message ou c'est mon interprétation personnelle ? Oui la question n'est pas très claire... Souvent dans le mouvement incessant on a l'impression d'une fuite en avant mais pas dans ce roman, on sent autre chose, une subtilité que je ne sais pas expliquer. NB : C'est malin, il faut absolument que je livre "Suleyman" maintenant ! ^^

Anonyme a dit…

Bonjour Simon et merci pour votre réponse précédente.

Je suis en train de lire l'Emprise des rêves. Je commenterai en détail mes impressions quand j'aurai fini mais je peux déjà dire que le multivers me plait beaucoup. Je l'ai reçu avec retard et je suis particulièrement débordée en ce moment, j'aurais bien besoin de passer sur un monde où le temps va à l'envers pour souffler un peu.
Je vois que vous avez été présent au salon de Brive. Je n'ai pas pu y aller cette année, mais ce salon m'a paru l'an passé très sympathique et bien organisé en tant que lectrice. Et vous qu'en pensez-vous en tant qu'écrivain ? Etes-vous épuisé ou revigoré après un weekend de rencontres avec des lecteurs ?
D'autre part je suis curieuse de savoir à quoi ressemble l'art typographique auquel vous avez participé... Oui, vous seriez déçu si on ne vous posait pas la question après cette belle accroche dans votre présentation, me trompè-je ? L'artiste a-t-elle un site ou blog où l'on peut voir de quoi il retourne exactement ?
Merci.

Olivier Bihl a dit…

Bonsoir Simon,
Ravi d'avoir pu lire tes réponses et les questions de mes camarades de jeux et de lecture... Tu parles de l'écriture d'une de tes nouveaux livres dans le registre de la littérature générale... Qu'entends-tu par là ? Penses-tu qu'il faille systématiquement classifier les livres ? Cela ne les désavantagent-il t'ils pas un peu ?