vendredi 11 février 2011

Entretien avec Simon Sanahujas, auteur de NERELIATH



Simon Sanahujas est l'auteur de NERELIATH publié chez Asgard. Un roman de fantasy au ton enlevé et plein de peps, dont vous retrouverez la chronique ICI.



Voici sa présentation telle qu'indiquée sur le site des éditions Asgard:

Né à Reims en 1979, Simon Sanahujas étudie la musique avant de devenir régisseur d’orchestres au conservatoire de Reims. Parallèlement il se passionne pour la littérature et se lance dans l’écriture, de manière professionnelle, à partir de 2001.
Depuis il a publié deux romans Suleyman et L’emprise des rêves, parus respectivement en 2005 et 2008 chez Rivière Blanche (Black Coat Press). Les nombreuses vies de Conan, un essai consacré au célèbre héros de Robert E. Howard, est publié en 2008, chez Les Moutons électriques Éditeurs, avant d’être nominé au Grand Prix de l’Imaginaire dans la catégorie « essai » et récompensé aux USA d’un Valusian Award par la Robert E. Howard Foundation. Toujours chez les Moutons électriques, il publie deux récits de voyages illustrés en collaboration avec le photographe Gwenn Dubourthoumieu : Conan le Texan en 2008 et Sur la piste de Tarzan en 2010, cherchant à chaque fois à lier la découverte d’un héros de littérature populaire à celle d’un territoire réel.
Simon Sanahujas a aussi à son actif une demi-douzaine de nouvelles, et de nombreux articles et dossiers écrits pour divers médias spécialisés (Black Mamba, Bifrost, Faëries,...).
La série Karn représente un projet de longue haleine ; le personnage de Karn étant amené à revenir régulièrement dans la collection Reflets d’Ailleurs.





Simon a très gentiment accepté de répondre à mes questions et je l'en remercie vivement!
(J'ai été ravie de voir qu'il a lu Howard en collection Néo étant gamin, je me sens mois seule! :))



Phooka: Bonjour Simon

Voilà, je me sens assez mal à l'aise voire idiote, car pour ne pas être influencée par d'autres écrits je fais toujours mes chroniques sans avoir rien lu sur le livre en question. J'ai évidemment fait de même pour Néréliath allant jusqu'à comparer votre écriture à celle d'Howard dans mon billet
. Or, en regardant (c'est pas trop tôt, me direz vous!) votre bio sur le site d'Asgard je réalise que vous êtes un expert de Howard. Hummmmm, rouge de confusion je suis avec ma comparaison à trois bouts de ficelles....
 
Simon: Y’a pas de mal et puis, comme ta critique est super sympa, tu es plus qu’excusée J.

Du coup mes premières questions vont concerner Howard qui m' a fait découvrir la fantasy:

P: Howard vous a t'il influencé et/ou incité à écrire de la Fantasy?

S: Nier l’influence de Robert E. Howard dans mon approche de l’écriture serait ridicule. Cet auteur m’a accompagné durant chacune des étapes de ma découverte de l’écriture : j’ai lu Conan juste après le Seigneur des anneaux, vers 11 ans, et je dévorais les éditions Néo à la même époque que celle où j’ai commencé à écrire. On pourrait même aller plus loin avec cette anecdote : quand je suis né, ma mère lisait un Conan à la maternité…
Lorsque j’ai commencé à écrire (des nouvelles de fantasy à l’époque, mettant déjà en scène Karn, mais que je me garderai bien de ressortir, rassurez-vous !) j’avais évidemment en tête les histoires de Conan. Mais si je regarde ce que je produis actuellement, l’influence de Howard ne se retrouve que partiellement. Je me suis inspiré de ce que j’adore chez lui, de ses points forts : l’efficacité du style, le réalisme et une certaine brutalité de son univers, et sa manière de mener un récit. Contrairement à Tolkien pour ne citer que lui, Howard va droit au but. Ses textes possèdent tous des introductions d’une efficacité redoutable, dans lesquelles il ne perd pas une ligne à planter son décor mais jette directement le lecteur en plein milieu de l’action pour lui faire comprendre ce qu’il se passe par petites touches successives. En quelques descriptions, quelques attitudes, quelques phrases de dialogue, on apprend tout ce dont nous avons besoin pour suivre l’histoire sans même qu’on s’en rende compte. C’est quelque chose que j’apprécie énormément dans un texte et que j’ai essayé de remettre dans mes écrits. La première scène de Nereliath en est l’exemple même : l’action est directe et (du moins je l’espère !) on apprend au fur et à mesure du chapitre tout ce qui est nécessaire pour comprendre dans quel monde on se trouve, ce que Karn fait là et, vaguement, qui il est, d’où il vient et comment il est parvenu dans cette situation.

P: Quelle est à votre avis l'influence d'Howard dans la littérature fantasy actuelle?

S: Je ne pense pas qu’on puisse écrire de la Fantasy sans avoir lu les précurseurs du genre. Après, je n’ai pas l’impression que Howard ait encore une grande influence sur le genre. Il me semble que le courant actuel privilégié par nombre d’auteurs s’éloigne pas mal de Howard, mais pour en être sûr il faudrait que je lise plus de nouveautés. La production est tellement énorme que je n’arrive pas à suivre… Au-delà de ça, je pense que Howard a marqué la fantasy avec plusieurs archétypes importants : Conan évidemment, mais je pense aussi à Solomon Kane ou Kull. Je pense que tous les écrivains de fantasy connaissent ces archétypes et, soit les réutilisent, soit s’en écartent sciemment.

P: Revenons à Néréliath. Je ne peux m'empêcher de penser un peu à Conan en voyant Karn agir, même si Karn est plus "éclairé" de notre barbare! Vivre pour le plaisir sans se poser de questions, est ce votre philosophie de vie?

S: Complètement ! Il est certainement important de se poser un minimum de questions, mais je le fais aussi peu que possible. J’aime vivre dans l’instant et j’ai souvent remarqué, autour de moi, que les gens qui se posaient trop de questions nuisaient de cette manière à l’instant présent. Je préfère vivre au jour le jour, profiter de tous ces instants sans trop me poser les questions du lendemain. A partir du moment où on a un toit au-dessus de la tête, de quoi manger dans le frigo et de bons amis autour de soi, on a à mon sens tout ce qui est nécessaire pour prendre plaisir à la vie. Pourquoi se prendre la tête au-delà ?
Quant aux liens entre Conan et Karn, ils sont de mon point de vue assez faibles. Je pense que ce qui mène à cet amalgame provient surtout de l’ambiance du roman et du fait que Karn est présenté comme un aventurier sans cesse en mouvement, qui vit des histoires toujours différentes. Mais au-delà de ces caractéristiques, leur psychologie, leur origine, sont à mon sens très différentes.

P: Le personnage qui m'a le plus intriguée dans Néréliath c'est sans doute Ali Kupi. Pouvez vous nous en dire plus sur lui? Va t'on le retrouver dans les tomes suivants?

S: C’est amusant car, si j’ai positionné Ali dans un rôle assez secondaire, ce personnage semble bien avoir pris lui-même une importance bien plus vaste et déchaîner les passions de beaucoup de lecteurs… Tout le monde m’en parle et il revient constamment dans les échos que je reçois du roman. Visiblement, les gens adorent son côté débonnaire, sa faculté à se contenter du strict minimum et à s’émerveiller des choses les plus simples de la vie. Cela me fait plaisir car c’est l’une des choses que je voulais faire passer dans le texte.
Il y a peut-être une explication très simple à ce succès… Je vais balancer un scoop : Ali existe bel et bien dans notre monde ! Il y a quelques jours, je discutais avec un ami de mes inspirations et du soucis de crédibilité dans un texte, et je lui expliquais qu’il n’y avait rien de mieux que de parler de quelque chose que l’on connaissait parfaitement pour rendre une scène ou un personnage crédible. De fait, pour les personnages par exemple, j’empreinte régulièrement certains traits de personnalité à des personnes que je connais. Il ne s’agit jamais de copies conformes et, souvent, je mélange plusieurs personnes pour en construire une. Mais, pour en revenir à Ali, le personnage est basé à 75% sur un pêcheur kenyan avec qui j’ai passé quatre jours en mer et sur plusieurs îles désertes de l’océan indien il y a plusieurs années.

P: Beaucoup de romans français de SFFF de ces derniers temps sont inspirés ou utilisent le monde de la piraterie. Qu'est ce qui  vous a incité à "parler pirates"?

S: Ca, c’est un peu le hasard des plannings en fait. L’écriture originale de Nereliath remonte à plusieurs années, avant par exemple la publication du Déchronologue de Stéphane Bauverger, pour ne citer que celui-là. A l’époque, j’avais plusieurs idées concernant Karn mais, dans ce roman, je voulais aborder les thèmes de la liberté, de l’égalité entre les hommes, de leur pouvoir décisionnel aussi. Et je suis très vite arrivée à la conclusion que l’univers de la piraterie se prêterait parfaitement à ces sujets. Outre cela, cela me permettait de mettre en scène de belles scènes d’abordages ainsi que l’une des choses qui me fascinent depuis tout gamin : les profondeurs marines et les créatures fantastiques qu’elles abritent ou peuvent abriter. Pour résumer, je n’ai absolument pas aborder Nereliath en me disant « allez, il faut que j’écrive une histoire de pirates ».

P: Apparemment au moins une suite est prévue. Va t'on retrouver Karn (et Ali! :)). Combien de tomes sont prévus à priori? Un petit scoop sur la suite? :)

S: Le principe de base, c’est que Karn est le personnage central de la série, et il reviendra évidemment dans les suites. A chaque fois, je le présenterai à une époque différente de sa vie (avant ou après Nereliath donc) et on en apprendra un peu plus sur ses origines, sur sa manière d’aborder la vie, sur ses objectifs, ses réussites et ses désillusions. Je compte aussi le faire voyager et donc développer l’aspect géographique et culturel de mon univers.
Pour Ali, je vais peut-être en décevoir quelques uns mais il ne devrait pas réapparaître dans le prochain roman. En effet, l’action se déroulera dans un endroit géographiquement opposé aux archipels où a lieu l’action de Nereliath, et Ali n’a pas de raison logique de se retrouver dans cette nouvelle partie du monde. Par contre, rien n’interdit qu’Ali ou d’autres personnages de Nereliath réapparaissent dans un volume ultérieur.
Pour l’instant, il n’y a aucun nombre arrêté pour les histoires de Karn. La suite est pratiquement achevée et j’ai déjà toutes les idées pour le troisième auxquelles s’ajoutent des embryons de pistes pour d’autres histoires. Après, tout dépendra du succès de la série. Si ça marche et que je continue à prendre autant de plaisir à raconter les aventures de Karn qu’en ce moment, alors il y aura probablement de nombreux volumes, à raison (si je travaille bien !) de un par an environ.
Un scoop pour la suite ? Je ne sais pas si j’ai le droit mais on va faire comme si… Dans le prochain roman, on va retrouver Karn à la tête d’une petite compagnie de mercenaires. Il sera un peu plus âgé mais ni plus posé ni vraiment plus mur ! L’histoire se déroulera dans le sud de ce monde, dans une ambiance partagée vaguement inspirée de l’Egypte antique et de l’Afrique Noire. Et Karn risque de tomber amoureux…

P: Etes vous un lecteur de fantasy et si oui quelles sont vos préférences?

S: Je suis un fan de fantasy, pas de doute là-dessus ! Au niveau des « anciens », il y a évidemment Howard, mais je suis également un gros fan de Fritz Leiber et de Clarck Ashton Smith. Un peu plus proche de nous, j’aime beaucoup Karl Edward Wagner (les nouvelles du cycle de Kane sont absolument remarquables !) ainsi que, dans les moins connus et malheureusement pas réédité en France depuis un bail, Charles Saunders et son personnage d’Imaro. Sur Tolkien c’est plus compliqué. S’il s’agit du premier auteur que j’ai vraiment lu (je me rappelle de Bilbo en CE2 et du Seigneur des anneaux un peu après), je ne suis pas un grand fan de ces deux œuvres. Le problème vient surtout de leur style et de leur construction, qui se trouvent tout simplement à l’opposé de mes goûts. Par contre, je suis un fan absolu du Silmarillon, je trouve ce bouquin magistral… Quant aux auteurs « actuels », j’ai beaucoup aimé Gemmell, notamment Parménion et les premiers livres du cycle de Drenaï, j’adore Glen Cook, que ce soit pour La Compagnie noire ou les histoires de Garrett, et j’ai pris énormément de plaisir à lire Javier Negrete, notamment Zemal et Syphron dont j’ai hâte qu’il poursuive le récit. Et puis il y en a forcément d’autres, qui ne me reviennent pas en tête comme ça…

P: Vous avez fait des études de musique. Ecoutez vous de la musique en écrivant. Y'a t'il un lien entre écriture et musique?

S: En effet : j’écris systématiquement avec un fond sonore. Je choisis celui-ci en fonction de l’ambiance des scènes auxquelles je vais m’atteler. C’est souvent de la musique de film, mais il peut y avoir du classique, de l’électro, du métal ou de l’indus, ça dépend vraiment de ce que je vais écrire. La musique permet de faire passer énormément d’émotion et, dans un sens, elle m’aide à me mettre dans l’état d’esprit nécessaire à la retranscription de ces émotions sur papier. C’est très important pour moi. On m’a souvent dit que mes scènes étaient très visuelles et qu’elles empruntaient beaucoup aux mécanismes du cinéma, peut-être que cela vient aussi de là…

P: Quels sont vos autres projets?

S: Actuellement je suis en train de mettre les dernières touches à un gros roman de fantasy qui n’a rien à voir avec Karn. C’est quelque chose d’un peu plus complexe, de plus ambitieux et un one-shot qui n’aura pas de suite. Cela fait deux ans que j’y travaille et je suis ravi, après tout ce temps, de le voir prendre sa forme finale. Ensuite je vais préparer un nouveau récit de voyage avec mon ami photographe Gwenn Dubourthoumieu. Et puis il y aura aussi le futur Karn, à paraître normalement début 2012.

P: Un petit espace rien que pour vous, pour parler de ce qui vous passe par la tête et que vous avez envie de partager avec vos lecteurs et futurs lecteurs:

S: Depuis toujours, j’écris des histoires que j’aurais moi-même envie de lire. J’y prends énormément de plaisir personnellement, et mon souhait le plus cher est que les lecteurs puissent en prendre autant en lisant mes livres. Alors, disons simplement que j’espère que tel est le cas !


Encore merci de nous avoir consacré votre temps et d'avoir répondu à toutes ces questions! J'ai beaucoup apprécié, pour ma part la lecture des réponses!

Un auteur à suivre assurément!


3 commentaires:

Dup a dit…

C'est toujours un moment privilégié je trouve de lire ce genre d'interview...j'adore !

Ferocias a dit…

J'apprécie beaucoup Simon Sanahujas.
Sur son blog, il donne des tas de conseils d'écriture!

(en confidence: j'ai été l'un des premiers à lire son Nombreuses Vies de Conan, car j'ai fait relecteur pour l'éditeur )

Phooka a dit…

@Ferocias tu as lu Nereliath?
Tu me donnes envie de découvrir son Nombreuses Vies de Conan!!